Intervention de Patrick Dehaumont

Réunion du mercredi 22 mars 2023 à 15h35
Commission des affaires sociales

Patrick Dehaumont :

Plusieurs de vos questions concernaient les problématiques d'indépendance et de crédibilité de l'expertise, à la suite de la communication récente du rapport du conseil scientifique. Cette analyse identifie en effet trois tensions – l'accès à la connaissance scientifique robuste et à la prise en compte des incertitudes, la question de l'urgence et l'articulation entre évaluation et gestion –, mais sur la base de trois dossiers spécifiques de produits phytosanitaires comportant une dimension d'incertitude et traditionnellement sujets à controverse et débat. J'ai le sentiment qu'il ne remet pas en cause le travail de l'Anses, mais alerte sur des actions à conduire et des précautions à prendre pour éviter toute dérive dans le fonctionnement de l'expertise scientifique de l'agence. Bien évidemment, des actions devront être initiées par l'Anses sous l'autorité de son directeur général, le conseil d'administration ayant pour rôle essentiel de s'assurer que les préconisations formulées par le conseil scientifique ont été considérées avec la mesure nécessaire. Il conviendra ainsi de mettre en œuvre un suivi des dispositifs d'adaptation.

La question du niveau de pertinence scientifique est un sujet sans fin : en permanence, les connaissances scientifiques ont besoin d'être approfondies. Cela renvoie à la problématique de la recherche et de l'articulation entre les différents organismes concernés. Vis-à-vis du gestionnaire de risque, il faut être capable d'exprimer le niveau des incertitudes, de dire qu'à un moment, on ne sait pas et qu'il faut poursuivre les investigations. Cela fait écho à la question de l'électrohypersensibilité et des radiofréquences.

Quant à l'amélioration des conditions de l'expertise – désignation des experts scientifiques, suivi de la déontologie, renouvellement –, elle passe par le suivi d'une méthodologie de manière très opérationnelle.

La tension liée à l'urgence est une vraie difficulté pour l'Anses. J'y ai été confronté en tant que DGAL, lorsque j'étais en charge de la gestion de risques sanitaires. J'avais parfois besoin d'avis de l'agence pour m'aider à prendre des décisions dont je serais responsable au nom du Gouvernement. Or l'Anses n'était pas toujours en mesure de me communiquer rapidement les éclairages demandés ou ne disposait pas forcément de l'ensemble des données. C'est là un point important de débat entre l'évaluateur et le gestionnaire : un contrat d'expertise lie le gestionnaire et l'évaluateur, ce dernier devant répondre à la demande formulée en restant parfaitement indépendant et en fondant son avis sur des bases scientifiques. Or, parfois, l'urgence fait que le gestionnaire de risque ne peut pas attendre que l'ensemble des éléments scientifiques soient connus et que la recherche nécessaire soit développée, ce qui rend la question de la saisine en urgence cruciale. J'ai toujours constaté une implication totale des équipes et des comités d'expertise de l'Anses, qui savent se rendre disponibles, mais à l'impossible nul n'est tenu. Si le gestionnaire doit pouvoir donner à l'agence les moyens nécessaires à la production de ses expertises, sur certains sujets néanmoins, il est difficile d'obtenir des résultats dans un délai très court.

J'ai eu l'occasion de gérer les épisodes d'influenza aviaire des années 2010. Lors de la première crise, en 2013 ou 2014, nous avions identifié l'influenza aviaire, mais ignorions si l'agent était pathogène pour l'humain. Seule l'Anses était en mesure de répondre à cette question, mais ne pouvait pas le faire du jour au lendemain. En tant que gestionnaires du risque, nous sommes donc partis de l'hypothèse que ce virus pouvait être dangereux pour l'homme, ce qui impliquait des abattages massifs, y compris d'animaux sains. Ensuite, la stratégie a évolué lorsque l'Anses a mis en évidence que les virus considérés n'étaient pas porteurs des gènes de pathogénicité humains. En pareille circonstance, chacun doit prendre ses responsabilités : l'Anses doit produire des données fiables dans les meilleurs délais et le gestionnaire de risque prendre la décision qui lui semble la mieux adaptée.

S'agissant de la double mission d'évaluation et de décision, celle-ci incombait déjà à l'ANMV dès sa création, en 1995, de même qu'à l'ANSM et précédemment à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. S'il est clair que le décideur ne doit pas pouvoir influencer l'évaluation, qui doit être strictement scientifique, la question ne tient pas à l'endroit où résident l'évaluation et la décision – l'Anses, pour la première, un ministère, pour la seconde. D'ailleurs, un ministère n'est pas équipé pour gérer les autorisations de médicaments ou de produits phytosanitaires. C'était pourtant la situation avant 2015 pour les produits phytosanitaires et jusque dans les années 1980 pour les médicaments vétérinaires : l'évaluation scientifique des risques était effectuée par l'Anses, qui disposait des moyens scientifiques requis, et la décision était prise au niveau de la DGAL, qui, elle, n'en avait pas la capacité et se livrait, avant de signer toute décision, à un réexamen des dossiers produits par l'Anses, ce qui donnait lieu à des allers-retours supplémentaires et entraînait un retard considérable dans la prise de décision.

Le processus actuellement en vigueur est très strictement encadré : l'évaluation scientifique des produits s'effectue selon des lignes directrices, avant que ne s'enclenche la démarche conduisant à la décision. Pour autant, au moment du transfert des autorisations d'AMM, le politique a conservé ses responsabilités : l'autorisation des substances est prise par les États membres au niveau européen, l'Anses intervenant ensuite sur les produits utilisant ces substances ; c'est le politique qui interdit des produits pour des raisons de santé publique et qui définit le niveau de risque acceptable, au moyen notamment de lignes directrices. Il existe donc un partage des tâches, avec certaines responsabilités qui restent au niveau des ministères. La fonction de gestion de l'Anses, qui correspond à des évaluations de produits selon une procédure très cadrée, permet de simplifier le dispositif, de compartimenter entre l'évaluation et la gestion. Cela me semble être de bonne pratique afin d'agir avec le plus d'efficience possible. Un retour en arrière ne me paraîtrait pas pertinent, dans la mesure où une administration centrale n'a pas vocation à gérer des autorisations de produits – l'exemple des biocides, traités historiquement au ministère de la transition écologique, l'a encore montré.

L'indépendance de l'Anses est-elle totale vis-à-vis des lobbys et du pouvoir politique ? Je serais tenté de dire que c'est une question de personne. Chacun a ses responsabilités : l'Anses remplit sa mission d'évaluation scientifique en la fondant sur les avis de ses experts et comités ; le gestionnaire de risque doit prendre ses décisions. Des règles déontologiques très strictes ont été instaurées afin d'éviter toute dérive éventuelle. Nul n'est à l'abri d'une tentative d'influence, mais il me semble que les procédures permettent de se prémunir contre ce risque.

L'une des questions relatives à l'influenza aviaire concernait la politique d'abattage vs la stratégie de vaccination. J'y répondrai en faisant un parallèle avec la rage : lorsqu'elle sévissait en Europe, l'abattage était la seule politique connue ; il fallait tuer les renards. On limitait ainsi la pression virale et les risques de contamination humaine ou d'animaux domestiques, mais la maladie ne disparaissait pas pour autant. Puis, dans les années 1980, le laboratoire de Nancy, qui relève désormais de l'Anses, a développé un vaccin et une politique vaccinale. La conjonction d'une politique d'abattage et d'une démarche de vaccination a permis d'éradiquer la rage en Europe. Ce cas tout à fait exemplaire n'est pas forcément directement transposable à l'influenza aviaire. Il montre, en tout cas, que face à une maladie épizootique ou présentant un risque majeur pour l'humain, la politique de première intention est l'éradication des animaux, et que l'on cherche ensuite d'autres mesures permettant de faire disparaître la maladie sans détruire les animaux, pour des raisons évidentes de perte économique, mais aussi d'éthique. Passer son temps à tuer des volailles est très difficile moralement, et certains de mes collègues chargés des abattages sur le terrain ont connu des épisodes dépressifs. Si l'on ajoute l'attente sociétale en la matière, il importe de trouver d'autres voies que l'abattage systématique.

La principale difficulté réside dans le fait que les virus influenza mutent énormément, avec le risque qu'ils s'adaptent à l'humain. Les virus identifiés dans les élevages ou sur différentes espèces animales sont très surveillés. Le séquençage génomique permet un suivi extrêmement fin et précis. L'épizootie d'influenza présente en France et dans de nombreux autres pays est très vaste. Elle concerne évidemment les volailles, mais a aussi touché un chat, un ours captif et différents autres mammifères, comme des otaries ou des phoques. Chez les mammifères, cependant, la contamination ne se diffuse pas par la suite dans l'espèce considérée. L'une des dernières études conduites sur la souche identifiée sur l'ours a montré qu'il n'existait pas de pathogénicité directe pour l'humain mais une adaptation aux mammifères. Ces virus doivent faire l'objet de la plus grande vigilance : si l'on n'y prend pas garde et que l'on vaccine sans prendre les précautions suffisantes, le virus peut continuer à circuler, à être excrété et s'adapter à d'autres espèces animales.

Une expertise menée par l'Anses, qui sera rendue le 31 mars prochain, propose de vacciner les canards avec différents types de vaccins disponibles – les Pays-Bas vaccinant les poules pondeuses et les Italiens les dindes, le travail européen permettra ainsi d'agir sur toutes les espèces de volailles. Mais il faudra impérativement compléter la vaccination par des tests PCR hebdomadaires, afin de s'assurer que les virus ne circulent pas. Avec ce protocole, on peut espérer casser la chaîne de transmission-retransmission entre animaux sauvages et domestiques. C'est la stratégie qui est en cours de développement au niveau européen. Le dispositif est toutefois relativement lourd, puisqu'il n'existe pas de vaccin universel contre toutes les souches du virus et que les vaccins ont des niveaux de performance variables. En termes financiers, le coût de la vaccination en France représenterait 40 millions d'euros pour les seuls canards et atteindrait 350 millions si la stratégie était étendue à toutes les volailles. C'est un investissement, mais il est nécessaire et, dans tous les cas, inférieur au milliard d'euros que coûterait l'abattage massif des volailles. Lorsque j'étais DGAL, un tel protocole n'était pas imaginable, car nous ne disposions pas des outils nécessaires. L'évolution de la science me donne des raisons de fonder de bons espoirs.

S'agissant des exportations, le phénomène étant mondial, de nombreux pays s'intéressent à la question. Il y a un mois, l'OMS animale a organisé une réunion sur ce thème en Thaïlande. Les problématiques sont les mêmes pour l'ensemble des pays du monde, et chacun essaie de ne pas perdre ses marchés à l'export – des accords pourront certainement être trouvés.

Les signaux de santé en matière d'obésité sont effectivement très inquiétants, et la crise du covid n'a pas arrangé les choses. Une action de l'Anses est indéniablement nécessaire, en partenariat avec d'autres structures – ministère de l'agriculture, ministère de la santé, Santé publique France, entre autres. L'information et la communication sont certes importantes, mais la formation dès le plus jeune âge m'apparaît davantage essentielle. La sensibilisation des enfants à la diversification alimentaire et au bon équilibre entre les différents types d'aliments, me semble plus efficace que la contrainte, s'agissant, par exemple, des repas végétariens, sachant également que les parents ne sont pas toujours les plus à même de transmettre ce message.

Les nitrites sont bien identifiés comme étant à l'origine de nitrosamines et présentant un effet potentiellement cancérogène. Je ne suis pas spécialiste du sujet, ni décideur en la matière ; c'est le ministère de l'agriculture, en collaboration avec d'autres entités ministérielles et des comités d'experts, qui prend les dispositifs réglementaires. Ce que je peux dire, c'est que l'apport de nitrites passe par l'eau de boisson et l'alimentation – essentiellement la charcuterie mais aussi les produits végétaux. La suppression des nitrites dans la charcuterie ne réglera donc pas le problème. Quant à en diminuer les doses, cela doit être envisagé au regard de la limitation de la multiplication bactériologique – on parle régulièrement des listeria, salmonelles et autres germes responsables du botulisme. Le rapport de l'Afssa indique que, pour les listeria, on peut réduire la date limite de consommation du jambon, ce qui a des implications commerciales pour les opérateurs agroalimentaires. Pour le botulisme, qui concerne essentiellement les jambons secs, on agirait plutôt au niveau de la maîtrise du processus de fabrication. Pour les salmonelles, ce sont les saucissons secs qui posent question. Les chiffres sont intéressants : si l'on supprime totalement les nitrites, le risque d'intoxication par les salmonelles est multiplié par 350. Cela signifie, non pas qu'il faut évacuer le sujet, mais qu'il faut plutôt adopter une approche globale, comme on l'a fait pour d'autres germes chez d'autres espèces animales. L'effort de baisse des nitrites va certainement conduire, non seulement à aménager certains modes de transformation, mais aussi à réfléchir à l'échelle de la filière. Les salmonelles, par exemple, peuvent provenir de l'élevage, d'une contamination en usine ou de la manipulation. Il ne me semble donc pas envisageable d'agir de manière isolée. Il faut considérer un continuum, depuis la production de l'animal vivant jusqu'à sa transformation.

J'en arrive au rôle de président du conseil d'administration tel que je l'envisage. J'ai dit en introduction que la présidence du conseil d'administration est un poste non exécutif : le directeur général dirige, le président préside, tout cela en bonne intelligence. Le directeur général pilote l'agence dans la ligne du contrat d'objectifs et de performance qui est signé avec les ministères de tutelle. Le président, avec le conseil d'administration, s'assure que la stratégie de l'agence est bien développée selon les orientations arrêtées. Il doit être particulièrement attentif aux attentes du conseil scientifique, notamment en matière d'expertise. Je pense qu'il lui revient de s'emparer des recommandations de celui-ci pour analyser avec l'Agence les dispositifs à mettre en place. Et il faut qu'il le fasse avec l'éclairage des cinq comités d'orientation thématiques, qui travaillent sur les principaux sujets thématiques de l'Agence et mettent en évidence les attentes des différents acteurs et de la société.

« Qui fait quoi et quelle est la responsabilité de l'Anses ? », m'a-t-on demandé. Le paysage n'est certes pas toujours très lisible. Sur certaines thématiques, l'agence n'est qu'évaluatrice du risque. Pour reprendre l'exemple des nitrites, l'Anses a produit des recommandations, mais ce sera au ministère de prendre une décision. Dans le domaine de l'expertise scientifique, l'Anses peut éventuellement délimiter le champ de l'incertitude et formuler des recommandations de gestion – cela fait partie de l'analyse de risque internationale –, mais la prise de décisions revient au gestionnaire de risque.

Lorsque l'Anses est elle-même gestionnaire – pour les autorisations de médicaments, les produits phytosanitaires ou biocides –, elle réalise l'évaluation et prend la décision. Dans ce cas, il est essentiel de s'assurer, au niveau du conseil d'administration et du conseil scientifique, que l'évaluation scientifique et le processus de décision se déroulent dans des compartiments suffisamment étanches pour garantir que l'une et l'autre sont robustes et indiscutables. Pour le médicament, il y a ainsi un département de l'évaluation et un autre de l'autorisation. Bien évidemment, les gens se parlent, mais les responsabilités de chacun sont clairement précisées.

Le domaine relatif à la production de données, à la veille, la surveillance et la vigilance est peut-être plus complexe, car il implique de très nombreux interlocuteurs. C'est pourquoi j'ai évoqué un rapprochement avec Santé publique France dans mon propos liminaire : il me semblerait judicieux pour améliorer et fluidifier les échanges.

Je vais rapprocher la question de la chlordécone de celle de la confiance. J'ai eu à connaître ce dossier lorsque j'étais DGAL et je le redécouvre en tant que potentiel président du conseil d'administration de l'Anses – c'est un sujet au long cours. Des progrès ont tout de même été accomplis, avec la réalisation d'études de consommation, la définition des valeurs toxicologiques de référence internes et externes, la formulation de recommandations de consommation ; un rapport de l'Anses signale que la demi-vie du chlordécone, jusqu'alors estimée à cinq cents ans, est en réalité moins longue et la dégradation plus rapide que prévue, et qu'il existe peut-être des moyens d'opérer ces réductions. Tout ne relève pas de la responsabilité d'un président de conseil d'administration – il peut certes formuler des recommandations mais pas se substituer à la responsabilité de l'agence et des ministères de tutelle –, mais il me semble nécessaire de poursuivre les investigations sur l'imprégnation de l'environnement et des populations, d'effectuer un suivi des pathologies éventuelles, de disposer sur place de capacités d'analyse et de prendre des dispositions pour atténuer l'exposition des populations au chlordécone. Là où le sujet rejoint celui de la confiance, c'est qu'il faut réparer la rupture à laquelle il a donné lieu – que l'on peut comprendre – par le déploiement de dispositifs de recherche, d'études, d'accompagnement. Il faut y consacrer les moyens nécessaires et avoir des échanges fréquents, avec l'appui des scientifiques. Assurément, la confiance ne reviendra pas d'un claquement de doigts, cela prendra du temps.

En dehors de ce dossier emblématique, sur ce sujet de la confiance, les scientifiques peuvent apporter leur contribution, mais le conseil d'administration a également un rôle important à jouer en organisant les échanges avec les parties prenantes, et le débat public. Il ne faut rien occulter : les éventuelles difficultés doivent être mises sur la table, les dispositifs mis en œuvre pour y remédier, expliqués, et le conseil scientifique être suffisamment indépendant. La confiance n'est cependant pas perdue partout ; dans beaucoup de domaines, l'action de l'Anses est considérée comme crédible et notre dispositif, même s'il est perfectible, est fort envié au niveau international. Pour autant, elle reste un sujet au long cours, sur lequel le conseil d'administration devra travailler en collaboration étroite avec les parties prenantes.

Faut-il reconnaître officiellement l'électrohypersensibilité comme une pathologie ? Je ne suis pas capable de répondre à cette question. Il y a un problème d'objectivation : on observe bien des signes cliniques, mais ils ne suffisent pas à nourrir la démonstration scientifique d'un lien éventuel avec l'exposition aux ondes électromagnétiques. Cela renvoie au sujet des données massives, en l'absence desquelles on ne peut pas identifier de signaux faibles. Le sujet, pour être caractérisé, demande à être encore étudié, avec des données administratives médicales massives et dans le cadre d'une collaboration entre l'Anses et Santé publique France. Voilà une bonne illustration de ce que pourrait apporter une politique de données massives au niveau français et européen.

S'agissant des PFAS, je ne suis certainement pas la personne la plus compétente pour vous répondre – je n'ai jamais travaillé sur le sujet. Tout juste puis-je vous dire que, par manque de connaissances, il y aurait des mesures à prendre pour éviter les expositions.

Pour ce qui est des moyens, on a toujours tendance à les trouver insuffisants. L'Anses couvre des champs extrêmement variés. Historiquement, les moyens de recherche venaient des laboratoires, et ils sont montés en puissance. Je pense que les moyens dédiés à la santé au travail mériteraient d'être augmentés. Dans le PNR EST, celle-ci est dotée de 1 million d'euros, complété par un petit apport de la direction générale du travail : c'est relativement faible. En matière de santé environnementale, le foisonnement des organismes intervenants, avec finalement des moyens importants, crée, me semble-t-il, un besoin de pilotage à un niveau supérieur, afin de déployer une vraie politique sur le sujet. De grands programmes vont contribuer à la santé environnementale : le programme européen Parc sur les substances chimiques, piloté par l'Anses et d'un montant de 700 millions d'euros ; le programme sur l'exposome, qui est inscrit dans la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, mais pour lequel les moyens ne sont toujours pas dégagés – l'Inserm est concerné par ce dossier.

S'il fallait donc dire sur quoi faire porter les moyens de l'agence, j'identifierais les problématiques de la santé au travail, de la santé environnementale, de la recherche et des données ainsi que des urgences. L'Anses est-elle suffisamment dimensionnée au regard des besoins, compte tenu des défis qui sont devant nous, de plus en plus nombreux, liés à l'émergence de pathologies et au dérèglement climatique ?

Pour limiter le risque de controverse et les tensions engendrées par un possible usage partial des rapports et études produits par l'Anses, il est essentiel que ses travaux aient la crédibilité nécessaire, soient robustes, scientifiquement fondés, indépendants, impartiaux et transparents. En cas d'usage partial ou détourné, le droit de réponse permet d'expliquer, d'échanger. On n'empêchera jamais une personne ou une structure d'utiliser à mauvais escient ou de déformer les résultats de recherches ou d'études. Il faut pouvoir répondre de façon argumentée, soit en reconnaissant la nécessité d'apporter une amélioration, soit en soulignant l'existence d'un détournement et en réaffirmant la robustesse du dispositif.

Quid, enfin, de l'inflation des missions de l'Anses ? Force est de constater que lorsqu'un nouveau besoin est exprimé sur l'un des sujets d'intérêt de l'agence, celle-ci fait figure de référence. Toute nouvelle mission confiée à l'Anses suppose d'être accompagnée des moyens nécessaires pour y faire face. C'est le cas la plupart du temps, même si les sommes allouées ne sont pas toujours à la hauteur de ce que l'on pourrait attendre.

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