C'est avec plaisir et honneur que je viens présenter ma candidature à la présidence du conseil d'administration de l'Anses, agence de sécurité sanitaire bien identifiée dans le paysage sanitaire français mais aussi international. Lorsque l'on m'a sollicité pour occuper éventuellement cette fonction, j'ai immédiatement accepté, pour diverses raisons que je vais vous exposer en trois points : d'abord, pour le rôle essentiel que joue l'Anses au cœur du dispositif sanitaire, et les défis majeurs auxquels elle est confrontée ; ensuite, en raison de mon parcours, empreint de sécurité sanitaire et de santé publique, qui m'a conduit à approcher à diverses reprises l'Anses et les structures qui l'ont précédée ; enfin, pour les actions et ambitions que j'envisagerais en tant que président du conseil d'administration de l'agence.
L'action de l'Anses s'organise en quatre grandes thématiques, dont l'expertise scientifique constitue le centre. Celle-ci se doit d'être robuste, transparente, indépendante et fondée sur la science. Ce dispositif relativement récent, créé avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) au début des années 2000, est aujourd'hui bien établi, avec des comités d'expertise scientifique, dont les deux derniers, créés en 2022, sont dédiés à l'analyse socio-économique et aux biotechnologies. Plus de huit cents experts, pour la plupart extérieurs à l'agence et issus d'horizons variés, y participent et s'appuient sur les meilleures données de la science pour produire des avis scientifiques robustes et fournir des éclairages aux gestionnaires de risques.
L'Anses a une deuxième responsabilité importante en matière de veille, de surveillance et de vigilance. Elle anime différents réseaux dans des champs aussi variés que la santé au travail, la pharmacovigilance des médicaments vétérinaires, la phytopharmacovigilance pour les produits phytosanitaires, la nutrivigilance ou encore les plateformes d'épidémiosurveillance. Cette veille et cette surveillance sont essentielles pour nourrir l'expertise scientifique, mais aussi d'autres travaux en matière de santé publique.
La recherche et l'innovation méthodologique constituent le troisième volet d'action très important de l'Anses. Les laboratoires de l'Anses ont une culture historique en matière de recherche, pour nourrir à la fois leurs activités de référence au niveau français et international, certains aspects d'appuis techniques et l'expertise scientifique. Cette force de recherche au sein de l'Anses connaît une montée en puissance grâce à la collaboration avec d'autres organismes – de nombreux partenariats ont ainsi été conclus avec l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), dans des domaines très variés. Ces activités de recherche ne portent pas que sur des sujets ponctuels et précis, elles s'inscrivent aussi dans des approches systémiques – je pense aux travaux conduits actuellement sur l'exposome ainsi qu'à l'implication dans le projet européen de très grande envergure Partnership for the Assessment of Risks from Chemicals (Parc), piloté par l'Anses, visant à analyser les problématiques des contaminants chimiques dans une approche globalisée, autrement dit les effets cocktail. L'Anses remplit là une mission d'opérateur, mais elle a aussi un rôle prescripteur, notamment au travers du pilotage du programme national de recherche environnement-santé-travail (PNR EST), et lance des appels à projets.
Enfin, le quatrième volet d'action de l'agence est relatif aux conditions d'autorisation de certains produits réglementés – médicaments vétérinaires, produits phytosanitaires ou biocides. Pour prendre ces décisions très importantes, l'Anses s'appuie sur des évaluations de risque indépendantes.
L'Anses conduit ses missions dans un cadre européen et international extrêmement large. Elle agit en collaboration avec divers organismes scientifiques et techniques, et entretient – c'est une de ses forces – avec les parties prenantes un dialogue permanent, indispensable à la bonne compréhension des attentes sociétales et à la pertinence des réponses qui leur sont apportées. Au fil des années, elle a su développer des règles de procédure déontologiques, dont la dernière en date, en vigueur depuis 2022, est la prise en compte des liens d'intérêt intellectuels des collaborateurs.
Ces différentes missions s'exercent dans un environnement extrêmement complexe en matière de problématiques de santé, avec la conjugaison du dérèglement climatique et de l'émergence de maladies d'ampleur mondiale telles que l'influenza aviaire, le covid ou la variole du singe, sur fond d'interactions très importantes entre l'humain, l'animal et l'environnement. Dès lors, l'Anses ne peut qu'inscrire son action dans le cadre du concept One Health.
J'en viens à mon parcours et à ceux de ses éléments qui seraient susceptibles de me qualifier à la fonction de président du conseil d'administration de l'Anses.
Docteur vétérinaire de formation, j'ai suivi des études complémentaires dans le champ de l'immunologie, à l'issue desquelles j'ai été immédiatement plongé dans l'action publique en matière de santé publique, sur le terrain comme à l'échelon national. Cela m'a conduit à aborder, d'une part, la relation avec les différents acteurs de la société civile concernés par ces sujets et, d'autre part, à piloter des politiques de contrôle et de surveillance. Je pense à la mise en place, dans les années 1990, des premiers plans de surveillance des contaminants dans l'alimentation, portés ensuite au niveau européen. J'ai également eu à traiter de sujets en matière d'indépendance et d'impartialité des activités d'inspection, ce qui résonne avec les problématiques de déontologie de l'Anses.
Après un passage par la Pologne, où, dans le cadre d'un projet européen, j'ai accompagné les autorités polonaises sur des sujets sanitaires en vue de l'accession du pays à l'Union européenne, j'ai eu l'opportunité de prendre la direction de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), qui faisait partie à l'époque de l'Afssa – elle est aujourd'hui intégrée à l'Anses. Ce fut une expérience très riche en raison de l'excellence scientifique à mettre en œuvre pour évaluer et autoriser les médicaments vétérinaires, comparable aux procédures appliquées pour les médicaments humains. Je retiens également de cette période la richesse de l'interdisciplinarité et l'importance du travail conduit aux échelons européen et international. J'ai notamment promu dans ce cadre une réflexion sur la lutte contre l'antibiorésistance dans le domaine vétérinaire, un sujet toujours d'actualité. La France, qui soutient cette politique au niveau international depuis vingt-cinq ans, peut s'enorgueillir de ce que les lignes directrices en vigueur dans ce domaine à l'échelle mondiale résultent des travaux de l'ANMV.
J'ai ensuite accédé aux responsabilités de directeur général de l'alimentation (DGAL) au sein du ministère de l'agriculture, une fonction particulièrement exposée car liée à la conduite des politiques sanitaires dans les domaines animal, alimentaire et végétal. Ce poste était aussi passionnant que chargé de sens puisqu'il s'agissait d'assurer la sécurité sanitaire de nos concitoyens ainsi que la santé animale et végétale. Il m'a aussi permis de prolonger certaines actions entreprises au sein de l'ANMV en leur donnant une concrétisation, notamment en matière d'antibiorésistance. C'est ainsi qu'en 2012 a été lancé le plan Ecoantibio, qui visait à limiter, en cinq ans, les usages de médicaments vétérinaires et les résistances : pour un objectif initial de réduction de l'utilisation d'antibiotiques de 25 %, le résultat a été de l'ordre de 35 % à 40 %. La loi d'avenir pour l'agriculture et l'alimentation nous a permis de limiter strictement l'usage des antibiotiques critiques et de supprimer les marges arrières sur ces produits. Ce dispositif a porté ses fruits, puisque la décroissance de ces usages se poursuit : l'utilisation des antibiotiques critiques, tout comme les circulations de résistance, ont baissé de plus de 90 %, sans que cela nuise à la santé animale.
En tant que DGAL, j'ai pu apprécier la collaboration avec l'Anses et son pilotage dans le cadre de l'exercice de tutelle. Je rappelle que l'Anses compte cinq tutelles, auxquelles je suggérerai d'en ajouter une sixième. Plus qu'une complexité, cette organisation constitue, selon moi, une richesse et contribue à améliorer la concertation interministérielle dans le cadre du fonctionnement d'une agence sanitaire.
Mon passage à la DGAL a également été marqué par plusieurs événements faisant écho aux problématiques de l'Anses, dont, entre autres exemples : la création des plateformes d'épidémiosurveillance en santé animale, en alimentation et en santé végétale ; la simplification du dispositif d'autorisation des produits phytosanitaires ; la politique de l'alimentation, avec le nutri-score soutenu par le ministère de la santé.
Dans mes fonctions actuelles, je m'occupe du suivi d'agents du ministère et du bon fonctionnement de plusieurs structures, ce qui m'amène à m'assurer de la bonne conduite de politiques publiques, notamment au sein de directions de préfectures, et à veiller au respect des règles déontologiques, véritables clefs de l'action publique.
Je terminerai en envisageant le rôle que je souhaiterais pouvoir jouer en tant que président du conseil d'administration de l'Anses, si la chance m'en est donnée.
J'ai bien conscience qu'il s'agit d'une fonction non exécutive, à la différence de celles que j'ai précédemment exercées – le président préside, le directeur général dirige. Pour autant, je pense que le rôle du conseil d'administration est extrêmement important, et d'abord en raison de sa structure très « grenellienne » : il réunit des associations reconnues, des élus, l'État, des représentants d'organisations professionnelles et de syndicats de personnels.
En tant que président de ce conseil d'administration, j'aurai à cœur, en première analyse, de poursuivre cinq ambitions, qui pourront évidemment évoluer au fil du temps.
La première d'entre elles sera de soutenir la stratégie de l'agence, qui est déclinée dans un contrat d'objectifs et de performance, en cours de finalisation pour la période 2023-2027. Dans le contexte du One Health, l'activité de recherche revêt une dimension essentielle pour l'Anses en tant qu'opérateur, « effecteur » et prescripteur. Or le PNR EST ne me semble pas à la hauteur des enjeux : doté de moins de 10 millions d'euros de budget, son taux de satisfaction au regard des demandes adressées n'est que de 11 %, contre 25 % pour l'Agence nationale de la recherche (ANR), et ce alors même que les projets qui lui sont soumis sont souvent de très bonne qualité. Une réflexion doit donc être engagée non seulement sur la réalisation de recherches au sein de l'Anses, en lien avec l'ensemble des organismes tels que l'Inrae ou l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), mais aussi sur sa capacité à prescrire de la recherche, afin notamment de mieux s'impliquer dans les projets européens. La relation avec l'ANR mérite d'être interrogée, et avec elle l'éventualité d'une sixième tutelle avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Je confierai comme deuxième ambition au conseil d'administration de contribuer à assurer la crédibilité et l'indépendance de l'expertise, régulièrement objets de controverses, en particulier sur des sujets présentant des incertitudes. En lien avec le conseil scientifique, il pourrait travailler à améliorer les procédures et à mieux informer, communiquer et analyser les attentes de la société et des parties prenantes. L'analyse socioéconomique sera un élément clef pour avancer dans ce domaine.
Troisième axe de travail, l'approfondissement de la transversalité et des synergies avec les différentes organisations – l'Inrae, Santé publique France, les gestionnaires de risque que sont les ministères de tutelle, ou encore l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). La transversalité s'impose sur de nombreux sujets, comme la toxicologie à long terme, la santé environnementale, le développement de l'approche par l'exposome. Nous sommes collectivement confrontés au besoin de progresser significativement en matière de collecte, d'échange et de mise en transparence des données. Pour obtenir des signaux de santé performants, il est indispensable de disposer de grandes masses de données. Or nous n'avons de données sur les produits phytosanitaires que pour les ventes, pas pour les usages ; en matière d'autocontrôle alimentaire, la plateforme d'épidémiosurveillance ne reçoit pas systématiquement les résultats, alors qu'elle permettrait tout à fait de disposer d'une base d'informations et de références beaucoup plus importante. Bref, en matière de données, l'enjeu est extrêmement fort, sans compter les relations qu'il faudra établir avec le niveau européen – mais le chemin est encore long.
Le quatrième objectif que je compte viser sera la poursuite des efforts en matière de déontologie.
Enfin, la cinquième ambition serait que l'Anses contribue à l'enrichissement du débat public. Plusieurs instances bien installées œuvrent déjà en ce sens : des comités d'orientation thématiques qui soutiennent le conseil d'administration, des espaces de dialogue sur des sujets spécifiques tels que les radiofréquences, les produits phytosanitaires ou les nanotechnologies. Des accords signés récemment avec la Commission nationale du débat public et le Conseil économique, social et environnemental sont également autant d'outils qui permettront d'améliorer le débat public et la performance de l'action de l'Agence.
En conclusion, depuis la création des laboratoires aujourd'hui intégrés à l'Anses, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Les dispositifs ont gagné en robustesse et transparence, avec des principes de déontologie forts, une volonté d'accès à la science accrue à travers le développement d'actions de recherche et des coopérations internationales importantes. Il me semble impératif de conserver cette vision et ces ambitions, en adoptant le principe One Health comme ligne directrice, afin d'assurer un véritable continuum entre les différentes missions de l'agence.