Intervention de Delphine Batho

Réunion du mardi 28 mars 2023 à 17h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho, rapporteure :

Les écrans délivrant des informations d'intérêt général ne sont pas concernés par le dispositif. Ces panneaux, essentiellement à messages variables, ont une utilité sociale en matière de sécurité, de culture, d'informations civiques, etc. Ils n'ont rien à voir avec la publicité commerciale lumineuse et numérique. La proposition de loi ne les confond pas.

La consommation électrique de ces 290 000 panneaux, ai-je entendu, serait faible, mais qui peut le plus peut le moins : comment considérer qu'une mesure aussi simple serait impossible à appliquer quand il serait en revanche possible d'agir dans des domaines où la consommation énergétique est bien plus considérable et dont l'utilité sociale est plus sujette à caution que celle des écrans numériques et lumineux, qui eux n'en ont aucune ? Il n'y a pas de petites économies !

En outre, RTE considère que cette consommation, « ce n'est pas rien », même si les chiffres ne sont pas très importants puisque dans le scénario Futurs énergétiques 2050, ils sont évalués à 0,5 térawattheure. RTE juge néanmoins cette consommation « superflue » et soulève une question de cohérence et de dissonance cognitive pour nos concitoyens, appelés à la sobriété énergétique alors qu'ils constatent partout le déploiement massif des écrans vidéos numériques publicitaires.

En la matière, la charte d'engagement du secteur du transport, signée hier, est ridicule – mais pas sans mérite puisqu'elle illustre la nécessité de cette proposition de loi : elle reporte de sept mois, du 1er juin 2023 au 1er janvier 2024, l'application du décret du 17 octobre 2022 qui prévoit l'installation d'interrupteurs sur les panneaux publicitaires.

Les arguments économiques qui ont été invoqués ne me paraissent pas recevables.

Les acteurs du secteur n'ont pas démontré que, par rapport à l'affichage papier, le déploiement de la publicité lumineuse et numérique crée des emplois. Il en est de même s'agissant de leur bilan carbone respectif, probablement plus négatif pour le numérique. S'agissant du modèle de financement des services publics, la proposition de loi ne propose pas de supprimer les recettes publicitaires mais d'en revenir à la publicité papier dans les transports en commun et les gares.

Je m'arrête quelques instants sur l'argument surprenant qu'a fait valoir le Rassemblement national. La sécurité dépend de l'éclairage public, réduit par les collectivités pour des raisons de sobriété. Quelle cohérence y-a-t-il à considérer que les panneaux publicitaires pourraient rester allumés ? Je ne pense pas que le Rassemblement national ait jamais argué d'une diminution de l'insécurité grâce au déploiement d'écrans publicitaires numériques et lumineux !

Par ailleurs, la lutte contre la « France moche » devrait être consensuelle. Notre pays est beau, nous voulons un beau cadre de vie et nous sommes en train de procéder à une vaste uniformisation.

J'avoue ne pas comprendre les propos visant une propension à l'interdiction, non plus que cet abus de langage sans doute involontaire consistant à évoquer une mesure « totalitaire ». Ce qui est totalitaire, c'est la réquisition permanente de notre cerveau et de notre esprit, dans l'espace public, par une débauche d'écrans qui visent à vendre des produits. Nous n'avons jamais discuté démocratiquement d'une telle situation.

Lors des débats parlementaires sur les enjeux climatiques, nombre d'entre vous ont mis en avant la question de l'acceptabilité sociale d'un certain nombre de mesures. En l'occurrence, elle est totale : plus de 80 % des Français jugent qu'il y a trop d'écrans publicitaires lumineux et numériques et une majorité d'entre eux souhaite leur interdiction. Les sous-entendus coutumiers sur l'écologie « punitive » sont sans objet : cette mesure est demandée socialement. Les citoyens, que l'on appelle à faire la « chasse au gaspi », ne comprendraient pas qu'elle ne soit pas adoptée. À l'heure où le Gouvernement parle de sobriété, il serait plus qu'étonnant que ce texte de bon sens soit traité avec sectarisme.

Je remercie de leur soutien les groupes Écologiste, Socialistes et apparentés, La France insoumise, Gauche démocrate et républicaine mais aussi, pour leur ouverture à un « consensus raisonnable », les groupes Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, Horizons et apparentés et Démocrate. J'espère que nous pourrons cheminer ensemble pour prendre des mesures utiles.

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