Intervention de Michel Dieleman

Réunion du jeudi 16 mars 2023 à 9h20
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Michel Dieleman, président de l'Association française du Travel management :

L'Association française du travel management a été créée en 2008 à l'initiative de collègues qui assuraient des responsabilités dans les grandes entreprises, notamment du CAC 40. Préalablement j'ai été directeur du travel management du groupe Orange monde, nommé en 2003 par Thierry Breton.

Notre association a pour objectif d'intervenir dans les métiers des déplacements professionnels et d'aider celles et ceux qui exercent ces fonctions et doivent acquérir une meilleure maîtrise de ce poste de dépenses, lequel est le troisième le plus important au sein des dépenses indirectes des entreprises.

La couverture de notre association concerne aussi bien le CAC que des ETI mais également le secteur public. Lorsque l'association s'est créée en 2008, le métier de travel management, aussi appelé « activité de voyages d'affaires des dépenses professionnelles » dans le secteur public, n'était pas reconnu mais nous y sommes parvenus ; il est désormais reconnu par Pôle emploi et l'APEC.

Nous cherchons également à échanger avec nos pairs et les prestataires du domaine, en bonne intelligence. Cette association est autonome : les prestataires sont partenaires mais le mode de fonctionnement de l'AFTM est fondé sur ses 400 adhérents, c'est-à-dire des travel managers ou des acheteurs. Nous avons également pour objectif de professionnaliser l'activité à travers huit modules de formation à destination de notre réseau.

Nous faisons également partie d'un réseau international, que nous avons contribué à créer récemment, le réseau BT for Europe. Au niveau international, l'association Global Business Travel Association regroupe majoritairement des prestataires, mais aussi des travel managers et des acheteurs. Nous n'avons pas voulu la copier afin de conserver une certaine autonomie et de ne pas dépendre de nos partenaires.

Nos partenariats s'exercent avec d'autres associations mais également avec le centre de crise du ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères puisque nous travaillons sur la sûreté et la sécurité. À cet effet, nous avons d'ailleurs produit un Livre blanc consacré à ces sujets. Plus largement, nous avons en tout réalisé plus de seize Livres blancs depuis le début de notre existence, notamment un sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Nous assurons une trentaine d'évènements annuels, qu'il s'agisse de conventions ou de débats constructifs. Nous réalisons en outre une cartographie qui dresse le tableau de nos adhérents, c'est-à-dire leur appartenance aux directions des achats (20 % de nos adhérents), des finances (20 %), des ressources humaines (15 %) ou des services généraux (13 %).

En matière de prestations de voyage, nous travaillons beaucoup avec les agences de voyages ou travel management companies, de manière extrêmement digitalisée puisque l' online représente 80 à 100 % de ces relations. Nos adhérents sont constitués à 70 % de cadres ou de cadres supérieurs et nos formations ont permis à certains de se faire reconnaître dans ce métier. Ils gèrent des budgets extrêmement importants. Les grandes entreprises de plus de 5 000 personnes représentent 43 % de nos adhérents contre 44 % pour les ETI.

Ensuite, je vous avoue avoir été un peu surpris de recevoir une invitation pour cette audition qui constitue néanmoins une reconnaissance du travail que nous avons accompli. À cette occasion, je me suis replongé dans les révélations des Uber files sur lesquels j'effectuerai peut-être quelques commentaires.

Lorsque notre association s'est constituée, elle a créé un appel d'air : nos prestataires ont été extrêmement intéressés de rencontrer des gens qui cherchent à travailler ensemble pour être mieux formés et mieux répondre à leurs attentes. L'idée consiste ainsi à disposer d'interlocuteurs professionnels qui maîtrisent leur activité, ce qui n'était pas toujours le cas avant. Au préalable, le prestataire était en position en force face à des personnes qui ne maîtrisaient pas nécessairement ce domaine particulièrement compliqué qui dialogue avec plusieurs départements de l'entreprise (les achats, les finances, les ressources humaines, la sûreté, la sécurité). Certains responsables avaient une formation d'ingénieurs mais le domaine du déplacement professionnel et plus largement celui des mobilités d'affaires (qui inclut les trajets entre le domicile et le travail) est particulièrement spécifique.

Je précise ainsi que les prestataires ont souhaité être partenaires de notre association, qui propose par ailleurs une adhésion relativement modeste, afin de pouvoir s'adresser au plus grand nombre. Certaines personnes se sont inscrites individuellement avant de pouvoir se faire reconnaître au sein de leurs entreprises.

Nos prestataires sont ainsi des sponsors, selon trois niveaux, ce qui nous permet de proposer de multiples actions et de travailler sur un grand nombre d'événements, lesquels supposent des investissements financiers non négligeables. Nos partenaires contribuent ainsi à la vie de l'association mais, encore une fois, sans dépendance de notre part.

À titre d'exemple, une grande compagnie aérienne nationale nous a un jour interpellés car nous l'avions égratignée dans nos communications. Nous lui avons répondu qu'en tant que partenaire, nous la respections mais que, pour autant, elle n'avait pas à nous dicter nos règles. De même, une grande compagnie ferroviaire a formulé la même réflexion et nous y avons répondu de la même manière. À chaque fois, nous avons reçu des membres du comité exécutif de ces deux entreprises pour leur indiquer que notre parole n'était pas dictée par nos prestataires.

Aujourd'hui, nous avons environ quatre-vingts partenaires dans différents domaines : compagnies aériennes, hôtellerie, fournisseurs de solutions technologiques. Or les travel managers ne sont pas nécessairement compétents en technologie, laquelle est cependant de plus en plus prégnante. Chez Orange, nous avons par exemple dû investir plus d'un million d'euros pour mettre en place notre outil technologique. Là aussi, l'action de l'AFTM permet de contribuer à mieux former les personnes qui sont conduites à gérer ce type de sujets, en lien avec les systèmes d'information.

Pourquoi travaillons-nous avec Uber, Freenow ou d'autres plateformes ? Ces sociétés nous ont contactés pour se faire connaître et capter une partie de la clientèle d'affaires, au même titre que les autres prestataires. Uber est devenu partenaire dans les années 2019, avant même Freenow qui proposait une plateforme pour gérer les commandes des collaborateurs et permettait de disposer d'une certaine priorité afin de s'assurer de pouvoir réaliser la prestation.

En 2017 et 2018, nous constations que l'offre des taxis était insuffisante. Les VTC sont arrivés à cette période et nous nous sommes demandé si ces VTC allaient nous apporter un complément de prestations satisfaisant. Nous n'avions pas d'idées préconçues sur le sujet ; nous étions surtout intéressés par la qualité de service. Je précise que Freenow, qui portait à l'époque un autre nom, s'est d'abord lancé sur la clientèle d'affaires. Or les entreprises cherchent naturellement à maîtriser les dépenses liées au préacheminement et à l'acheminement des trajets professionnels.

De notre côté, la digitalisation a constitué une avancée : grâce à elle, nous disposons d'informations pertinentes qui nous permettent de négocier. À l'inverse, avant la création de l'AFTM, nous maîtrisions difficilement nos reportings. Désormais, la plupart des grands groupes disposent de leurs propres chiffres. Uber a souhaité devenir un partenaire « diamant » de l'AFTM, soit le premier niveau, au même titre que d'autres prestataires. Encore une fois, nous ne nous sommes pas posé de questions particulières à l'époque ; nous étions surtout soucieux de la qualité des services rendus.

En matière de transports collaboratifs, il s'agit essentiellement d'une relation privée entre les salariés et les VTC. En effet, l'initiative de la commande d'un VTC ou d'un taxi revient d'abord aux collaborateurs, dans la plupart des cas. Ces derniers se font ensuite rembourser ou non au moyen de la note de frais. La même logique est d'ailleurs à l'œuvre en matière d'hébergement. Souvent, les entreprises sont mises devant le fait accompli et leur choix se résume à valider ou non les notes de frais présentées.

Je suis à présent disponible pour répondre à vos questions.

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