Il faut distinguer deux temps dans la détention de Franck Elong Abé : la période où il était détenu dans un autre établissement que celui d'Arles et celle de son incarcération à Arles, à partir de fin 2019.
Pour enquêter sur sa dangerosité et évaluer celle-ci, le renseignement pénitentiaire a utilisé les mêmes outils que l'établissement pénitentiaire : l'examen approfondi de son dossier pénal. Quand il est arrivé en 2019 à la maison centrale d'Arles, il avait déjà un certain temps de détention derrière lui. Nous avions donc des éléments judiciaires liés au motif de sa condamnation, ainsi que des éléments liés à sa dangerosité pénitentiaire, qui apparaissaient dans son dossier pénitentiaire et pénal. C'est notre première source d'information ; c'est aussi celle de l'établissement pénitentiaire. Nous disposions du même niveau d'information que la direction.
Ces documents nous permettaient de comprendre que ce détenu présentait une dangerosité terroriste réelle et importante : c'était un combattant, qui avait été en zone de guerre et avait participé à des actions au nom de l'idéologie djihadiste. La direction n'avait pas besoin que nous lui en disions davantage sur ce point : elle avait déjà tous les éléments requis.
Nous n'avons pas eu d'éléments en tant que service de la communauté du renseignement : nous n'avons pas reçu de la part des services partenaires d'éléments supplémentaires à son sujet.
Concernant le volet pénitentiaire, nous savions qu'il avait eu un parcours très heurté depuis son arrivée en France, en 2014, après avoir été capturé : plus d'une trentaine d'incidents avant Arles, et des incidents majeurs, dont une prise d'otage. Nous savions donc qu'au niveau pénitentiaire aussi, il présentait une dangerosité particulière.
À partir du moment où il a été détenu à Arles, le renseignement pénitentiaire, comme la détention et la direction d'Arles, a constaté une amélioration très sensible de son comportement. Arrivé au quartier d'isolement, il a été conduit, du fait de cette évolution positive, à en sortir en passant par le quartier spécifique d'intégration ; il a pu bénéficier d'une formation, puis être placé en détention ordinaire, jusqu'à être classé au travail pour préparer au mieux sa sortie, qui approchait – c'est un élément très important à prendre en considération. Il a participé au travail comme d'autres terroristes islamistes (TIS) peuvent le faire dans une maison centrale comme celle d'Arles – un établissement qui n'est pas du tout du même type qu'une maison d'arrêt ou qu'un centre de détention, et qui est aussi fait pour accueillir ce genre de profil et en préparer la sortie.
En résumé, nous avions un certain nombre d'informations pénitentiaires et pénales avant son arrivée à Arles ; nous avions aussi des informations pénitentiaires relatives à son mauvais comportement jusqu'à son arrivée à Arles ; en détention, nous avons constaté, comme l'établissement, que les choses s'arrangeaient, ce qui a conduit la direction à décider, après avis de plusieurs commissions pluridisciplinaires uniques (CPU), de lui faire franchir des étapes jusqu'à la sortie de l'isolement et le classement au travail. Nous – le délégué local au renseignement pénitentiaire et la Cirp – en avons été avisés en tant que service de renseignement. Nous n'avions aucun élément extérieur à ceux dont nous disposions concernant son évolution en détention depuis son arrivée à Arles, qui aurait pu nous inciter à faire infléchir ces décisions. Celles-ci, au vu de l'évolution plutôt positive de l'intéressé, étaient relativement normales dans un établissement comme celui d'Arles.