Tristes reflets de Narcisse, vendeurs de mirages, faiseurs d'illusions, nombreux sont les influenceurs qui usent des réseaux sociaux pour abuser des consommateurs piégés dans une attitude d'hyperconsommation. Pathétique exemple de ce monde en perte de repères, l'influenceuse Ruby Nikara, rappeuse de 21 ans, vendait l'eau de son bain dans des flacons pour la modique somme de 1 500 euros l'unité… Il serait stupide de généraliser, mais il n'en reste pas moins que les situations d'abus prolifèrent.
Selon une récente étude de Reech, organisme spécialisé dans l'influence et le marketing, 32 % des sondés indiquent être abonnés à un influenceur sur les réseaux sociaux, quand 44 % des interrogés confirment voir du contenu de créateurs sans y être abonnés. Des chiffres qui interpellent puisqu'ils démontrent que les algorithmes des plateformes sociales jouent un rôle majeur dans la diffusion des contenus. Et qu'en outre, ils peuvent toucher un large public qui n'est pas forcément demandeur, mais qui pourrait devenir la proie d'influenceurs peu scrupuleux.
Toujours selon la même étude, 66 % des sondés indiquent qu'il est nécessaire de faire évoluer le secteur de l'influence vers un modèle plus éthique. C'est l'objet de la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui, un texte qui avait déjà fait l'objet de notre attention en février dernier et qui a été retiré pour être retravaillé. Si l'on note certains ajouts, l'esprit du texte reste inchangé ; on ne peut que s'en réjouir.
Ce texte va donc dans le bon sens puisqu'il commence par le commencement – c'est toujours mieux – en définissant dans son article 1er la notion d'influenceur. En effet, il est compliqué de poursuivre quelqu'un qui abuserait de son statut si ce dernier n'est pas juridiquement défini. La définition a évolué vers les notions d'activité et de pratique de l'influence commerciale. Pour la compléter, il serait également judicieux d'insister sur les comportements promus par certains influenceurs. Je pense à la mise en ligne d'expériences en tous genres avec des paramètres, des scripts et une spontanéité – entre guillemets ! – merveilleusement bien conçue.
Une attention particulière a été apportée à l'encadrement des pratiques commerciales ouvertes aux influenceurs comme les méthodes à visées esthétiques ou les interventions chirurgicales. L'enjeu est de taille puisque, dans 72 % des cas, les produits achetés par les femmes sont des produits cosmétiques. Le marché de l'apparence est, on le sait, juteux. Il est bien souvent, surtout chez les jeunes femmes, un prélude à la chirurgie.
J'appelle néanmoins votre attention sur un sujet précis : en l'état de sa rédaction, la proposition de loi n'interdit pas la promotion de compléments alimentaires à propriétés prétendument antidiabétiques, ou de capteurs de glucose en continu. La Fédération française des diabétiques nous alerte sur ce point, j'aurai l'occasion d'y revenir à l'article 2 B.
En revanche, je ne peux que souscrire à l'interdiction de la promotion des placements ou investissements dans un actif numérique ou, plus généralement, dans un bien incorporel fongible ou non fongible, opérations susceptibles d'entraîner des pertes pour le consommateur. Là encore, c'est une mesure de bon sens tant on sait que de mauvais investissements peuvent conduire à des situations dramatiques, et pas uniquement du point de vue financier.
Permettez-moi d'exprimer un regret sur les sanctions pénales, insuffisamment dissuasives. Je proposerai deux ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende pour les influenceurs qui s'affranchiraient du nouveau cadre légal.
Malgré quelques imperfections que nous pourrions corriger en séance – je ne suis pas certaine que le texte touche les influenceurs basés à l'étranger par exemple –, cette proposition de loi est pertinente car elle pose les premiers jalons d'un cadre juridique protecteur pour notre jeunesse. En effet, il est désormais indéniable que les influenceurs jouent un rôle majeur dans la vie de nos enfants et de nos adolescents, par un effet d'identification et d'imitation induit par l'apparente promiscuité entre eux et l'influenceur suivi – influenceur qui entre dans le quotidien des plus jeunes, souvent peu à même de faire preuve d'esprit critique. Cette proximité est fictive, mais elle peut prendre l'apparence d'une réalité pour, in fine, devenir extrêmement perverse et induire des comportements désastreux, voire dangereux.
Plus que jamais, avec 16,4 milliards de dollars de recettes en 2022, le marché de l'influence attire des personnalités peu scrupuleuses, capables de se mettre en scène et de se vendre. Il est donc nécessaire de voter cette proposition de loi qui a le mérite d'aller dans le bon sens, celui de la protection des consommateurs.