Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du jeudi 30 mars 2023 à 9h00
Lutte contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

Nous y sommes enfin. Après des mois de tergiversations du Gouvernement devant les alertes sur les dérives de certains influenceurs, nous examinons ce matin une proposition de loi transpartisane pour encadrer cette activité.

Il est difficile de croire qu'Emmanuel Macron et ses ministres ou anciens ministres ne connaissaient rien aux influenceurs. Marlène Schiappa a reçu à l'Élysée plusieurs candidates de la téléréalité dont Maissane de l'émission « Les Marseillais » ou encore Isabeau Delatour des « Princes de l'amour ». Même si c'était pour évoquer une cause légitime, les violences sexistes et sexuelles, les vidéos de cette rencontre qui ont fuité laissaient plus qu'interrogateur sur l'efficacité de cet évènement. Le gouvernement précédent avait également fait appel à Sundy Jules et « Enzo Tais-toi ! » pour vanter les mérites du service national universel (SNU) qui n'a attiré jusqu'à aujourd'hui qu'à peine 30 000 jeunes. L'ex-ministre délégué Jean-Baptiste Djebbari a semblé quant à lui bien plus occupé par ses activités d'influenceur sur TikTok que par son poste au Gouvernement. Le Président de la République s'est lui-même donné en spectacle dans un exercice douteux avec McFly et Carlito pendant la crise du covid.

Pourtant, à votre exception notable, madame la ministre déléguée, jamais un mot n'a été prononcé par le Gouvernement sur toutes les arnaques qui fleurissent sur les réseaux sociaux. Il aura fallu que des députés membres de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale les alertent sur les nombreuses dérives pour que Bruno Le Maire et la majorité se réveillent enfin.

Moi-même, pendant des mois, j'ai été interpellé par des jeunes dans ma circonscription sur l'ampleur des arnaques liées aux influenceurs, un sujet qui faisait écho à un précédent travail sur les abus publicitaires des paris sportifs en ligne. Dans les deux cas, les principales victimes sont souvent des jeunes des quartiers populaires. C'est ainsi que comme vous le savez, j'ai décidé de lancer un travail d'expertise sur le sujet et de déposer au mois de novembre dernier une proposition de loi visant à encadrer les pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l'influence sur internet. Je ne peux ainsi que soutenir votre volonté d'interdire la promotion d'abonnements à des paris sportifs.

Comme je le disais, les pouvoirs publics, notamment le Gouvernement, ont tardé à réagir. Ce retard à l'allumage se combine à un autre problème : la DGCCRF n'est pas dotée des moyens financiers et techniques pour agir. De très nombreuses escroqueries restent impunies, alors que des sanctions pourraient déjà être prises si une véritable volonté existait. Tout semble permis sur un marché sans foi ni loi. Augmenter les moyens de la DGCCRF est primordial !

En effet, pendant des mois, le très célèbre couple formé par Marc et Nadé Blata, comme d'autres personnalités, a sévi sur les réseaux sociaux en pratiquant ce que l'on appelle une arnaque au trading. Le trading de cryptomonnaies, qui attire de plus en plus d'investisseurs, est devenu un terrain plus que favorable aux escroqueries. On apprenait par exemple au mois d'août dernier qu'un youtubeur se faisant appeler Crypto Gouv aurait arnaqué près de 300 personnes en leur proposant des investissements dans la cryptomonnaie et détourné ainsi 4 millions d'euros. Ces escroqueries touchent de plus en plus de jeunes qui, pour épargner leur argent, misent sur ces nouvelles monnaies virtuelles : d'après un récent sondage d'OpinionWay, 14 % des 18-25 ans déclarent envisager d'investir dans les cryptomonnaies ou déjà en posséder.

Il faut donc agir et vous allez dans ce sens, chers collègues, puisque vous proposez d'encadrer fortement l'activité de ces crypto-influenceurs. Je salue votre travail, ainsi que celui de notre collègue Ségolène Amiot sur la prévention auprès des mineurs. Afin de sécuriser encore davantage ces activités et surtout de protéger les consommateurs, il apparaît urgent de mieux réguler l'activité des influenceurs, d'une manière adaptée à la réalité économique et qui permette un développement sain et responsable de la filière.

Après les auditions que j'ai menées, il est apparu qu'il fallait trouver un équilibre entre régulation et sanction : l'économie des créateurs de contenus est plus large que les seules arnaques, délits ou mauvaises pratiques de quelques acteurs connus sous le nom d'« influvoleurs ». De nombreux jeunes issus des quartiers populaires ont des pratiques saines, souvent engagées et ne doivent pas être sanctionnés. Je pense ici par exemple à l'agence Smile conseil, fondée par Galo Diallo, qui accompagne des talents à la condition qu'ils aient un projet social et créatif.

Des textes législatifs encadrent déjà la pratique des partenariats commerciaux ; les professionnels du secteur, réunis au sein de l'ARPP, ont adopté un guide de bonnes pratiques afin de clarifier les situations dans lesquelles une collaboration doit être mentionnée, et selon quelles modalités. Toutefois, force est de constater que l'existence d'un partenariat entre influenceurs et annonceurs n'est toujours pas indiquée pour de nombreux contenus à caractère publicitaire. Le cadre légal est donc insuffisant et l'autorégulation des acteurs ne saurait suffire.

Après que Nadège Abomangoli, François Piquemal et moi-même avions déposé notre proposition de loi à ce sujet, Bruno Le Maire a annoncé le lancement d'une consultation citoyenne mais aussi des mesures législatives, des mesures réglementaires et finalement un plan pour en finir avec la jungle des influenceurs. Puis M. Delaporte a déposé sa proposition de loi, suivi par M. Vojetta, avant qu'un texte transpartisan ne soit annoncé. L'ensemble des contributions ont abouti à un résultat que nous pouvons qualifier de satisfaisant.

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