Ce qui est nouveau, c'est donc le canal et cette relation innovante que des personnalités ont construite avec les consommateurs. Dans ces nouveaux modes de consommation, les influenceurs, créateurs de contenus, ou quel que soit le nom qu'ils s'attribuent, sont des prescripteurs d'opinion par l'intermédiaire des réseaux sociaux. Le canal a changé, mais pas tellement le flux. Notre droit civil et commercial s'applique à ces pratiques, tout comme les règles de création d'activité de droit commun. L'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) communique régulièrement sur ce cadre juridique à travers différents canaux, et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est avertie des éventuelles pratiques douteuses par le site SignalConso, qui sera d'ailleurs bientôt disponible sous la forme d'une application mobile que j'aurai le plaisir de lancer dans les prochaines semaines.
Rien n'interdit de faire de la publicité, que ce soit sur une bonne vieille affiche ou sur un réseau social ; mais internet n'est pas une zone de non-droit et, où que vous alliez, la DGCCRF saura vous rappeler à l'ordre. Mme Benattia-Vergara en est devenue un exemple à ses dépens – et je promets ici d'arrêter les mentions de son cas. Au terme d'une enquête de la DGCCRF, elle a été condamnée, en juillet 2021, à une amende pour pratiques commerciales trompeuses.
Pourtant, je vous l'accorde, ce cadre juridique n'est pas suffisamment connu par les influenceurs eux-mêmes et, à plus forte raison, par les consommateurs. Dans le même temps, le caractère diffus des réseaux sociaux facilite les pratiques illégales. C'est un constat d'autant plus regrettable, comme l'ont dit les rapporteurs, que près de la moitié des personnes suivant les influenceurs ont entre 15 et 24 ans, une population pour qui acheter en ligne est aussi naturel, voire plus naturel, que de pousser un caddie. Nous avons donc, d'un côté, des dizaines de milliers d'influenceurs qui ne connaissent pas tous leurs devoirs et, de l'autre, des dizaines de millions d'influencés qui ne connaissent pas tous leurs droits.
Le risque est clair, et je sais que nous partageons ici les mêmes constats, les mêmes inquiétudes. Je veux sincèrement me féliciter, d'ailleurs, de voir que tous les groupes se mobilisent sur le sujet. Je veux aussi sincèrement saluer la qualité des travaux de tous les groupes – en particulier des groupes Socialistes et apparentés et Renaissance – et l'engagement des rapporteurs Delaporte et Vojetta, qui ont permis d'aboutir à un texte transpartisan, qui a été voté à l'unanimité en commission et qui démontre, s'il en était besoin, que nous savons parfois, dans l'intérêt de nos compatriotes, transcender les clivages politiques : c'est la bulle de paix, joliment nommée par Stéphane Vojetta.
Le texte dont nous allons discuter s'inscrit dans la parfaite continuité de la vaste consultation lancée par Bruno Le Maire en décembre dernier et dont les conclusions ont été rendues la semaine dernière, après recueil des avis de plus de 400 professionnels et de près de 20 000 de nos concitoyens.
Je note tout d'abord que le Gouvernement, les députés et les Français se rejoignent sur la nécessité de définir l'influence commerciale – c'est l'objet de l'article 1er du texte. Cette définition a été minutieusement travaillée et construite ; j'en salue la portée car elle nous permettra de promouvoir plus efficacement les outils déjà ou bientôt à notre disposition. Des outils légaux, comme les contrats écrits entre les annonceurs et les influenceurs, entre les agences et les influenceurs, dont le Gouvernement demandera avec vous la systématisation ; mais aussi des outils d'accompagnement, comme le guide de bonne conduite des influenceurs et créateurs de contenus, présenté la semaine dernière par Bruno Le Maire et disponible en ligne.
Dans ce cadre renforcé, nous devons veiller ensemble à ce que les dispositions dont nous discuterons aujourd'hui ne créent pas une publicité à deux vitesses. Un cadre renforcé ne veut pas dire un cadre rabougri. Contrairement à ce qu'on a pu lire dans une tribune ce week-end, il n'est pas question de restreindre l'activité d'influence commerciale davantage que la publicité commerciale ne l'est déjà. Ainsi que je l'ai dit, notre droit contient déjà bon nombre de contraintes, auxquelles les réseaux sociaux n'échappent pas. C'est particulièrement vrai si l'on se réfère au DSA, qui entrera en vigueur prochainement et qui prévoit une meilleure régulation des réseaux et des activités auxquelles ils donnent lieu.
Cette proposition de loi ne doit pas être détournée de son objet premier. Ce n'est ni une loi sur la publicité ni une loi sur les pratiques comportementales. C'est une loi au service d'un métier naissant, exercé par des personnes qui ont à cœur, pour l'immense majorité d'entre eux, de bien faire leur travail. C'est parce que nous soutenons leur métier, ce nouveau segment économique, que nous soutenons cette proposition de loi.
Ici, comme l'a dit le rapporteur Delaporte, c'est la loi qui se bâtit, et non la morale. Je sais que les parlementaires sont pleinement sensibilisés à ces problèmes, et c'est tout l'intérêt d'un texte construit par les députés, en lien étroit avec les acteurs, les Français et les administrations. Un texte où personne n'agit, pour le coup, en influenceur puisque, précisément, nous ne faisons la promotion que d'une seule cause, l'intérêt général, sans autre contrepartie que celle de savoir qu'ensemble, nous parviendrons à mieux protéger nos concitoyens.
Clarifier, encadrer, responsabiliser, éduquer, a rappelé le rapporteur Vojetta, voici l'objectif de cette journée – la quadrature du cercle. Je rappelle pour terminer que, grâce à vous et avec vous, en plus des travaux menés sous l'égide de Bruno Le Maire, à Bercy, ces derniers mois, la France sera possiblement ce soir, grâce à l'initiative parlementaire, la première nation européenne à disposer d'un véritable cadre complet d'accompagnement et de protection de l'influence commerciale. Pour cela, je commence la journée par vous remercier pour cette initiative et ces travaux qui me semblent absolument indispensables.