Intervention de Didier Le Gac

Réunion du mercredi 22 mars 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Le Gac, rapporteur :

En tant que législateurs, nous avons la responsabilité de nous assurer de la sécurité juridique et de la robustesse des dispositifs que nous adoptons. Je n'hésiterais pas, s'il le fallait, à mener le combat contre une compagnie maritime. Nous pouvons toujours prendre le risque d'un contentieux en adoptant, comme vous le proposez, des mesures contraires au droit communautaire mais ces mêmes mesures pourraient aussi enfreindre la Constitution. En voulant aller trop loin et trop vite, et en adoptant des dispositions contraires aux conventions internationales qui constituent le droit de la mer et au droit maritime, nous prendrions le risque de voter un texte inconstitutionnel.

La loi de police est un type de législation auquel il est rarement fait recours et dont l'étendue fait débat parmi les spécialistes. On s'accorde sur l'importance de deux critères : le lien entre l'application de la mesure et le territoire national et la proportionnalité de la mesure au regard de la sauvegarde des intérêts publics en jeu.

S'inscrivant dans le droit de l'Union européenne, la loi de police ne peut servir de prétexte à faire échec au principe de la libre concurrence entre les États membres. Par conséquent, elle ne peut entrer en contradiction avec des règles posées au niveau européen, une directive relative au temps de travail par exemple, qu'en raison d'un motif qui le justifie.

La question du salaire relevant essentiellement du ressort des États, elle peut faire l'objet d'une loi de police dès lors que les marins concernés se trouvent, de par la fréquence des liaisons transmanche, à exercer régulièrement dans les eaux territoriales françaises. Il s'agit en outre d'un principe essentiel et d'ordre public de notre droit du travail.

En revanche, le sujet du temps de travail ne peut être considéré comme relevant d'un intérêt public propre à la France, s'agissant notamment de marins qui n'effectuent qu'une partie de leur temps de travail dans nos eaux territoriales.

Les amendements qui prévoient des mesures en ce sens ne résisteraient sans doute pas à l'épreuve du contrôle par le juge, en particulier de la Cour de justice de l'Union européenne.

Nous devons donc chercher, comme l'a suggéré le professeur Patrick Chaumette, une justification à la loi de police, au regard de la sécurité maritime notamment.

C'est le sens de l'amendement que je vous proposerai, cosigné par deux de mes collègues, pour limiter le temps d'embarquement sur les bateaux qui assurent les lignes transmanche et inscrire le principe de parité avec le temps de repos à terre afin de garantir la sécurité et éviter les risques de pollution. Ces dispositions sont justifiées par des études qui seront remises l'année prochaine mais dont les premières conclusions nous parviennent régulièrement. Le renvoi à un décret permettra d'affiner le critère de la sécurité juridique en déterminant, pour chaque type de liaison, la durée d'embarquement maximale en lien avec la sécurité maritime. Il sera pris dans le respect de la concertation, notamment dans le cadre du Conseil supérieur des gens de mer et du Conseil supérieur de la marine marchande.

Le même raisonnement ne peut malheureusement pas être tenu pour les autres critères que vous souhaiteriez inscrire dans la loi, en ce qu'ils n'ont pas le même lien avec la sécurité de navigation.

Je vous invite par conséquent à retirer ces amendements pour leur préférer les amendements identiques AS39, AS37 et AS38, qui répondent à vos préoccupations sans ébranler la solidité juridique du texte.

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