Le transport maritime est la clef de voûte de la mondialisation : le grand déménagement du monde implique un coût de transport maritime aussi plus bas que possible. Depuis l'après-guerre, le trafic de marchandises a été multiplié par cinquante alors que le nombre de marins a été divisé par cinq. C'est un plan social qui se déroule à bas bruit depuis des décennies, comme cela s'est passé pour le textile ou la sidérurgie.
Je veux montrer la cohérence de ce qui se passe. Le point de départ de ce dumping a été juridique : en 1967, le Torrey Canyon fait naufrage, et les armateurs risquent d'être mis en cause directement. C'est à partir de là que se développent les montages qui passent par les Bahamas, par Chypre... Ce dumping juridique conduit à un dumping fiscal et social, avec l'emploi de marins indonésiens ou malgaches.
Dans cet univers de concurrence libre et complètement faussée ont été préservés quelques îlots : le trafic intrafrançais entre la Corse et Marseille, le trafic transmanche qui était intraeuropéen. Il y a aujourd'hui une volonté d'éroder le peu de socle social qui demeure en droit maritime.
Comment préserver ces îlots qui subsistent dans un océan de déréglementation ? Et surtout, comme reconquérir du droit en mer ? Comment échapper au dumping permanent entre marins philippins, français et anglais ? Comment faire pour que la réglementation française ne pratique pas elle-même son propre dumping, avec le pavillon des Kerguelen puis avec le pavillon du RIF ? Je ne vois aucune volonté de reconquête. Cela impliquerait de se heurter à la doctrine de Bruxelles selon laquelle la concurrence doit être la seule loi, celle qui règle tout.
Au-delà de la Manche, la question est bien celle du droit sur l'ensemble des mers.