Dans la guerre ultraconcurrentielle des ferries transmanche, une nouvelle arme est née : « virer pour réembaucher » – fire and rehire –, procédé qui consiste pour une entreprise, dès lors qu'elle justifie de conditions économiques dégradées, à licencier ses salariés pour en embaucher d'autres à des conditions sociales bien moins protectrices, donc plus avantageuses pour elle.
Cet outil cynique, très utilisé au Royaume-Uni, a été mis en œuvre en mars 2022 par la compagnie britannique P&O Ferries sur le transmanche, avec un licenciement massif de près de 800 marins, remplacés par des marins ressortissants de pays à bas coût de main-d'œuvre. L'arrivée récente d'Irish Ferries dans le détroit du pas de Calais, avec des navires sous pavillon chypriote, employant des marins étrangers dans des conditions sociales bien inférieures aux normes françaises et britanniques, vient renforcer la concurrence agressive, injuste et déloyale de ces modèles sociaux à bas coût. Un écart de 60 % des masses salariales permet à Irish Ferries ou P&O Ferries de proposer des tarifs inférieurs de 30 % à ceux des sociétés exploitant des navires sous pavillon français. Le Brexit n'arrange rien : la traversée de la Manche est passée d'une navigation intracommunautaire à une traversée internationale. Le recours à des marins étrangers s'en trouve facilité.
Face à l'offensive des compagnies de ferries aux modèles sociaux à bas coût ainsi qu'à la menace pour l'emploi des partenaires sociaux, les armateurs, les syndicats de marins, les élus pressent les puissances publiques française et britannique d'agir.
La proposition de loi affiche l'objectif de garantir que le transport de passagers dans les dessertes de liaisons régulières internationales soit réalisé dans des conditions sociales soutenables, garantissant les droits des salariés et des conditions de concurrence équitables entre les différentes entreprises du secteur. Cette garantie est nécessaire pour permettre le maintien de l'emploi.
Si le groupe Écologiste - NUPES partage cet objectif, il invite les membres de la commission à adopter plusieurs amendements inspirés notamment par la proposition de loi de notre collègue Sébastien Jumel. Ce texte, qui visait à lutter contre le dumping social dans le cabotage maritime transmanche, se veut en effet plus protecteur s'agissant du rythme de travail et du paiement des heures supplémentaires.
Si la proposition de loi semble couvrir la sous-traitance et les territoires d'outre-mer, non mentionnés dans le dispositif, le groupe Écologiste - NUPES souhaiterait toutefois que le rapporteur le rassure sur l'étendue de la couverture juridique du texte.