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Intervention de François Donnadille

Réunion du jeudi 2 mars 2023 à 14h35
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

François Donnadille, président de la Fédération française des exploitants de VTC (FFEVTC) :

Bonjour monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés. La Fédération française des exploitants de VTC (FFEVTC) a été créée en 2012. Ses fondateurs provenaient tous de la « Grande remise » qui est la mère de notre corps de métier actuel. Nous avons créé cette association car la loi Novelli de 2009-2010 avait créé une certaine anarchie. Nous souhaitions donc définir certaines règles et former les chauffeurs pour leur apprendre à travailler comme nous le faisions au moment de la Grande remise.

À travers les siècles passés, nous observons que les sujets de stationnement sur la voie publique et de maraude ont toujours amené des changements de loi. Sous Louis XIV, il n'existait pas d'autres types de transport public et particulier que les bateaux et les véhicules tractés par les animaux. Des diligences circulaient entre les villages mais les particuliers plus aisés pouvaient aussi avoir recours à des carrosses et des calèches qui attendaient sur la voie publique et généraient des embouteillages. Dès lors, le préposé à ce sujet a décidé que ces carrosses devaient être garés dans des remises, ce que nous appelons maintenant des garages. Comme ces carrosses étaient grands, il fallait de grands garages ou de grandes remises. Concrètement, notre profession existait bien avant l'apparition des trains, des bus, des métros, des tramways, des avions ou des taxis. Je termine ma présentation par les taxis car ils ont toujours tendance à penser qu'ils étaient présents avant nous, ce qui n'est pas le cas.

Deux arrêtés importants ont fixé un cadre juridique à notre activité en 1955 et en 1966. Nous avons ensuite conservé notre statut jusqu'à la présentation du projet Attali en 2008 qui avait pour objectif de déréglementer toutes les charges concédées par l'État à des entreprises privées, telles que les notaires, les pharmaciens, les huissiers, les commissaires-priseurs et les taxis. À cette époque, les taxis ont bloqué la circulation un peu partout en France et j'avais participé à cette manifestation avec mes véhicules de grandes remises. Ce projet n'est finalement pas passé. Cependant, M. Attali a effectué un lobbying auprès du gouvernement en place pour changer la loi dans le secteur du tourisme et du transport, qui a donné lieu à l'adoption de la loi Novelli en 2009. Nous avons alors perdu notre appellation de Grande remise et nous sommes devenus les VTC, terme qui signifiait « voiture de tourisme avec chauffeur ». La clientèle des Grandes remises correspondait en effet à une clientèle de tourisme et de luxe. Nous nous sommes ensuite orientés davantage vers le tourisme d'affaires puis le tourisme de particuliers.

Nous recevions alors nos macarons professionnels via Atout France. Les critères qui s'appliquaient pour l'entrée dans la profession correspondaient à une formation obligatoire et un examen. Lorsque vous aviez obtenu votre examen, vous deviez demander une licence à la préfecture du département dans lequel vous souhaitiez exercer. Pour l'obtenir, vous deviez présenter un business plan devant une commission qui réunissait les taxis, la direction départementale de l'équipement, la direction de la concurrence et des prix ainsi que la préfecture qui statuait sur l'octroi de votre licence. Ce processus était relativement encadré et il n'était pas facile d'intégrer cette profession. De plus, la cohabitation avec les taxis se passait très bien à cette époque car nous étions complémentaires. Nous n'étions pas en concurrence car nous ne faisions pas le même travail et nous ne nous adressions pas à la même clientèle.

Le problème posé par la loi Novelli est qu'elle a supprimé toutes les contraintes pour devenir VTC. En effet, toute personne disposant d'un permis depuis plus de trois ans pouvait s'installer comme VTC. Sur le coup, ce changement n'a pas eu beaucoup d'impact car le retour sur investissement est long dans notre métier et nous n'avons pas observé de réelle différence dans l'activité économique de notre secteur entre 2009 et 2011.

Uber est arrivée en 2011 et a pris contact avec nous en 2013. Ils sont venus nous voir à Lyon et nous ont expliqué qu'ils mettaient en place une application, que leur clientèle était internationale et qu'ils souhaitaient lui proposer le même service quel que soit le pays. L'idée paraissait plutôt bonne et ils nous ont demandé combien de voitures nous pouvions mettre sur la plateforme à Lyon. J'ai répondu que tous mes véhicules étaient utilisés et je leur ai demandé combien de voitures ils voulaient mettre en place. Ils m'ont répondu qu'ils comptaient disposer de deux cents voitures à Lyon. J'ai alors indiqué que le marché ne le permettait pas. Cependant, Uber m'avait menti car nous avons appris que le fondateur d'Uber voulait concurrencer les taxis qu'ils trouvaient relativement inefficaces. En effet, l'idée de créer cette société lui était venue lorsqu'il avait dû attendre quarante-cinq minutes pour trouver un taxi à trois heures du matin à Paris. Cependant, nous pouvons nous demander s'il est important de disposer d'un véhicule en cinq minutes à trois heures du matin au regard de l'activité économique d'un pays.

En outre, le premier concurrent d'Uber s'est installé et regroupait quelques salariés qui travaillaient dans des taxis jaunes, comme les taxis new-yorkais. Il s'agissait d'une véritable concurrence frontale à l'égard des taxis. De même, la création des plateformes LeCab et Allocab – qui employaient le mot « cab » à dessin car il signifie « taxi » en anglais, a confirmé ce mouvement de déstabilisation du marché du taxi. Ces pratiques me semblaient donc malhonnêtes.

En 2013, il y a eu des manifestations des taxis et nous avons participé à la préparation de la proposition de loi Thévenoud. Nous avons eu des réunions avec Uber et toutes les autres plateformes, comme avec les taxis au cours desquelles les plateformes intervenaient de manière particulière. Par exemple, les représentants d'Uber ne parlaient jamais lors des réunions. Si vous vous adressiez à l'un d'entre eux, la réponse provenait toujours de leur avocat, ce qui était gênant.

Lors d'une réunion importante, une autre plateforme a annoncé qu'elle allait créer 40 000 embauches sur les huit années à venir. J'étais intervenu pour faire remarquer que toutes les plateformes avaient recours à du personnel libéral. Dix ans après, nous savons que la plateforme n'a pas embauché 40 000 personnes. Par ailleurs, le ministère des Transports annonce qu'il existe 40 000 voitures de VTC en France ce qui n'est pas vrai. Je ne comprends que nous ne puissions pas, avec les possibilités informatiques actuelles, rectifier ce chiffre et donner le nombre exact de voitures VTC.

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