Intervention de Sayah Baaroun

Réunion du jeudi 2 mars 2023 à 14h35
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Sayah Baaroun, secrétaire général du syndicat des chauffeurs privés :

En 2015 et 2016, le bus « 70 000 entrepreneurs » circulait dans les banlieues. Lorsque vous entriez dans ce bus, un comptable vous indiquait qu'il pouvait vous ouvrir votre société gratuitement à condition que vous vous engagiez pour trois bilans avec lui, pour 1 500 euros par an. Ensuite, un loueur de leasing vous proposait de vous trouver un véhicule pour cinq ans au meilleur prix. Enfin, le centre de formation indiquait qu'il pouvait vous former gratuitement et vous amener à l'examen si vous vous engagiez à travailler pour telle ou telle plateforme. À cette époque, l'antenne Pôle emploi de Poissy invitait même des personnes qui cherchaient du travail à s'orienter vers ce bus. Nous leur avons expliqué que ce système était une arnaque car le modèle économique proposé n'était pas viable mais sans succès car nous n'avions rien à proposer à la place.

Lorsque nous avons découvert ces pratiques, nous avons essayé de les dénoncer. Ensuite, la loi Grandguillaume et la loi LOM sont intervenues. Quand nous avons remarqué qu'il était possible d'acheter le centre de formation et d'examen, qui était à la fois juge et parti, nous avons dénoncé ces pratiques à la chambre de métiers. Il s'en est suivi une vague d'achats de cartes professionnelles dans les préfectures. Le journal Le Parisien avait d'ailleurs révélé que 800 fausses cartes auraient été vendues au sein de la préfecture de Bobigny. À cette époque, la loi Grandguillaume prévoyait en effet qu'il appartenait à la préfecture de donner l'ordre d'impression des cartes professionnelles à l'Imprimerie nationale. Nous avons d'ailleurs pu identifier les faussaires qui travaillaient à la préfecture et ce réseau est tombé. Certains ont encore réussi à se procurer de fausses cartes par la suite mais les Boers se sont saisis du sujet.

Par ailleurs, nous avions mis en place un observatoire national taxis-VTC dans le cadre de la loi Grandguillaume qui imposait à toutes les plateformes de transmettre leurs données pour que des statistiques soient établies au sein de cet observatoire. Ensuite, des commissions locales taxis-VTC devaient être instaurées dans toutes les grandes villes afin de confronter notre discours à celui des plateformes sur la base de données factuelles. Malheureusement, Emmanuel Macron a nommé Elisabeth Borne ministre des Transports en 2017 et celle-ci nous a mis de côté. Nous n'avons donc pas pu nous inscrire dans la continuité de la loi Grandguillaume, c'est-à-dire récolter ces informations et mettre en place les commissions locales.

De plus, il nous a été demandé d'arrêter de réclamer la reprise du contrôle du tarif et de l'aspect disciplinaire par les chauffeurs VTC en échange du financement de notre protection sociale par les plateformes. Nous n'étions pas d'accord car cette proposition s'apparente à donner un médicament pour les pieds à quelqu'un qui a mal à la tête. Nous avons donc dû nous battre contre plusieurs amendements déposés dans le cadre du projet de loi LOM et du projet de loi El Khomri. Nous nous sommes ensuite élevés contre la création de l'Arpe. Nous souhaitons, depuis des années, reprendre le contrôle du prix et de l'aspect disciplinaire mais la réponse que nous recevons est toujours différente.

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