Il s'agissait plutôt d'un membre du cabinet d'Emmanuel Macron. Par ailleurs, lorsque nous avons commencé nos mobilisations en 2015, nous avons découvert les principes de la démocratie et du jeu parlementaire. Nous avons alors voulu mettre en place une loi pour que les chauffeurs VTC puissent mieux gagner leur vie. Le candidat et tous les ministères nous répondaient que nous étions des jeunes de banlieue sans avenir et que travailler pour quatre ou cinq euros de l'heure était mieux que rien. Cette croyance était d'ailleurs très forte au niveau de l'État et je pense que c'est toujours le cas. De manière pragmatique, nous avons essayé d'expliquer les raisons pour lesquelles nous ne gagnions pas notre vie de cette manière car ce système était frauduleux.
À travers la loi Grandguillaume, nous sommes parvenus à démontrer qu'il nous fallait instaurer des commissions locales taxis-VTC et un observatoire national taxis-VTC qui regrouperaient l'ensemble des informations afin de vérifier qui gagnait réellement sa vie ou non. À cette époque, nous avons fait face à quelque chose que nous venions de découvrir, c'est-à-dire le lobbying. J'avais en effet pu obtenir des informations et me rendre dans un restaurant proche de l'Élysée où se trouvait tout l'écosystème du VTC, c'est-à-dire les plateformes, les loueurs, les centres de formation et les comptables. À l'époque, cet écosystème faisait la tournée des banlieues avec le bus « 70 000 entrepreneurs » afin de convaincre des jeunes de banlieue crédules de s'engager dans ce système de plateformes pendant trois ou quatre ans. La proposition de loi Grandguillaume prévoyait l'instauration d'une formation nationale taxis-VTC permettant de sensibiliser les chauffeurs sur les questions comptables, fiscales, etc. Avant la mise en place de cette loi, un chauffeur mettait entre deux et quatre ans pour comprendre que son activité n'était pas rentable et qu'il se faisait avoir par le système proposé par les plateformes. Avec cette proposition de loi, le chauffeur pourrait comprendre beaucoup plus vite qu'il ne gagnerait pas sa vie dans le cadre de ce système.
La vidéo tournée dans le restaurant montre un grand patron de plateforme dire qu'il est hors de question d'avoir des gens qui comprennent ce qu'est l'Urssaf ou la TVA et qu'il veut juste des chauffeurs. Dans leur intérêt, ils cherchaient donc des personnes crédules, ignorantes, mal formées qui mettraient du temps à comprendre qu'elles ne gagneront pas leur vie de cette manière. Cette vidéo traduit le combat des plateformes contre la loi Grandguillaume qui avait vocation à mettre en place une formation plus sérieuse alors que le système créé par le deal Macron prévoyait seulement sept heures de formation et un questionnaire à choix multiples (QCM) à la place des 250 heures de formation en vigueur jusqu'alors. De plus, nous avons réussi à prouver qu'il était possible d'acheter les réponses au QCM à l'avance pour réussir l'examen. Il était même possible que le centre de formation, qui est aussi le centre d'examen, et par conséquent juge et partie, inscrive les réponses à la place du candidat.
En conclusion, à l'époque, nous avons découvert les méthodes de lobbying des plateformes et le « deal » passé avec les décideurs publics. Vous le découvrez aujourd'hui grâce aux révélations des Uber files mais nous le savions depuis très longtemps.