Intervention de Jérôme Simon

Réunion du jeudi 9 février 2023 à 16h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Jérôme Simon, premier vice-procureur financier :

Les capacités d'ingérence économique des autres États, en dehors des États-Unis, sont proportionnelles à leur poids économique et commercial dans le marché mondial. L'acteur le plus important qui pourrait utiliser ces règles extraterritoriales pour s'imposer est la Chine. L'évolution de l'arsenal législatif de la Chine, sans aller encore jusqu'à nous inquiéter, nous préoccupe et nous y sommes très attentifs. Ce faisant, la Chine réagit à la conception développée ces vingt dernières années par le États-Unis de leur action extraterritoriale. La République populaire de Chine a voté deux textes importants. La loi relative aux procédures de contrôle des exportations du 17 octobre 2020 définit plusieurs règles dans ce que l'on appelle l' export control – notamment le contrôle de la violation des embargos. Celle du 10 juin 2021, relative aux contre-mesures en matière de sanctions étrangères, est comparable à certains égards à notre loi de blocage.

Ces deux textes, même s'ils n'ont pas encore été appliqués à l'encontre d'opérateurs économiques français, pourraient l'être à l'instar du Foreign Corrupt Practises Act (FCPA) ou des lois américaines en matière d' export control.

Nous comprenons la préoccupation des Chinois et leur éventuel pouvoir d'action sur les opérateurs économiques à la lumière de l'affermissement de la volonté américaine d'imposer son mode de résolution des conflits dans les dossiers judiciaires. M. le procureur vous a expliqué l'origine du FCPA et la façon dont ce texte de lutte contre la corruption internationale a permis d'asseoir l'emprise américaine dans les procédures anti-corruption à portée extraterritoriale, y compris sur des opérateurs français. Nous savons que les Américains entendent agir de même dans le domaine de l' export control. Je vous renvoie à la retentissante affaire BNP Paribas : déjà en 2014, une sanction de plus de 9 milliards d'euros a été prononcée à l'encontre d'une banque française pour violation de l'embargo vis-à-vis de l'Iran. Plus récemment, en juin 2001, Lisa Oudens Monaco, qui est Deputy Attorney General, c'est-à-dire l'équivalent du numéro 2 du ministère de la justice américain, a déclaré : « Export controls and sanctions are the new FCPA », ce qui signifie que les mesures et les sanctions dans le domaine des embargos et de l' export control sont le nouveau cadre d'action équivalent au FCPA pour les Américains. Ils n'en font pas mystère : le développement de leur législation extraterritoriale, y compris les mesures prises en cas de violation d'un embargo, peut frapper des opérateurs économiques étrangers.

Outre l'affaire BNP Paribas, nous pourrions citer le cas du cimentier français Lafarge, qui a écopé d'une amende aux États-Unis pour avoir aidé des organisations terroristes en Syrie. Ce n'est pas le FCPA qui a été utilisé mais la logique est la même.

Le processus est assez clair : les États-Unis tentent de déborder du champ de la corruption tandis que les Chinois se dotent d'une législation pour se mettre au même niveau. À l'inverse, la France ne dispose d'aucune législation pour poursuivre pénalement des violations d'embargo. Nous en sommes restés à un délit douanier complètement dépassé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion