J'ai beaucoup aimé la première partie de votre démonstration : vous réaffirmez la constance de votre engagement sur le mix énergétique, vous dites votre conviction sincère de l'intérêt de la filière nucléaire, vous attestez aussi que la priorité doit être donnée à la lutte contre le réchauffement climatique, ce qui défend de se priver du nucléaire.
J'ai beaucoup moins aimé, je l'avoue, la seconde partie. Il y a une contradiction à affirmer le rôle stratégique de la politique énergétique – et je vous crois sincère – pour l'industrie et pour la souveraineté de notre pays, ce qui justifie que les grandes décisions soient prises dans le bureau du Président de la République, tout en décidant la transformation du statut d'EDF. Je me souviens aussi des dérégulations successives.
L'explosion du prix de l'énergie ne fragilise pas seulement les artisans boulangers, elle fragilise aussi toute notre industrie. Cela milite pour une reprise en main par la puissance publique et pour une décorrélation du prix de l'électricité de celui du gaz, y compris en réduisant notre allégeance aux Allemands. Je ne plaide pas pour une caricature de nation administrée à la soviétique, mais pour que ce bien commun de première nécessité ne soit pas traité comme une marchandise comme les autres. Je ne me fais toutefois pas beaucoup d'illusions sur ma capacité à vous convaincre que le libéralisme ne produit pas toujours les résultats qu'il promet.
La situation est préoccupante : la filière et ses savoir-faire sont affaiblis, et on a même agité le spectre de ruptures d'approvisionnement pendant l'hiver. Cela ne milite-t-il pas pour un État stratège, un État qui prend soin de son industrie, un État qui régule, un État qui préserve les intérêts de la nation, un État qui refuse la concurrence libre et faussée à l'européenne ? La malformation congénitale de l'Arenh n'est pas d'avoir tenté de concilier le prix payé par l'usager et la rémunération reçue par EDF, mais d'avoir permis la vente d'électricité par des « marchands de savonnettes », ou plutôt des « marchands de soleil », qui ne produisent rien mais qui font du profit en revendant l'électricité achetée à bas coût à EDF, et donc gagnent de l'argent au détriment de notre fleuron national.