C'est une excellente question et un sujet extraordinairement difficile. Je vais vous répondre très sincèrement.
Quand arrivait sur mon bureau la question de l'augmentation des tarifs, je me trouvais face à une contradiction. D'un côté, je ne voulais pas de cette augmentation : une hausse tue une partie de l'industrie et diminue le pouvoir d'achat des Français. Je ne vous rappelle pas le contexte économique : nous avions connu la crise de 2008, celle des subprimes, mais aussi celle de 2010, celle de la dette européenne ; nous avions connu la récession. Je disais donc au ministre concerné : « N'y va pas trop fort ! » D'un autre côté, en agissant de cette façon, on affaiblit l'opérateur, qui veut des tarifs aussi élevés que possible, pas seulement pour couvrir ses coûts de production, mais aussi pour amortir ses investissements. J'entends parfois qu'il faudrait vendre au coût de production. Mais non ! C'est comme pour les médicaments : il faut financer la recherche et, d'une façon générale, tout ce qui permet de produire. Être confronté à cette contradiction n'est pas facile : faut-il favoriser l'entreprise et son développement ou bien le pouvoir d'achat et le reste des entreprises ? Nous avons essayé de nous en sortir, peut-être avec une cote mal taillée, mais elle ne ruinait pas EDF et ne provoquait pas une augmentation des prix de 14 %.
Vous avez parlé de « tarif réglementé ». J'ai aimé votre question parce que j'aime dialoguer, mais je n'aime pas les tarifs réglementés parce que ça se termine toujours mal. Ils servent à éviter des augmentations, pour telle ou telle raison, une élection ou un événement important… Je connais peu de tarifs réglementés qui servent à faire payer beaucoup plus cher ! Mais, à la fin, il faut toujours payer la facture et recapitaliser les entreprises.
Je crois, moi, au marché, au marché régulé. Quel doit être le prix aujourd'hui ? Je n'en sais rien, je n'ai pas les éléments. Je vais vous faire une confidence, j'avais pensé à ouvrir davantage le capital d'EDF, pour deux raisons : l'État n'est pas un bon actionnaire, car il n'a jamais les disponibilités pour aider à investir ; une entreprise privée est soumise à la loi de l'offre et de la demande. Je ne l'ai pas fait, donc je vous le raconte pour le plaisir de la joute, mais c'est, je crois, une question qui se posera à nouveau dans les années à venir. Je vois bien qu'il y a, avec les centrales nucléaires, un problème d'intérêt national, mais on peut trouver des solutions. Les forces politiques devront réfléchir à une sortie du système actuel pour trouver les moyens de faire naître un grand champion français, à même de conquérir des marchés étrangers et de redevenir exportateur.
Vous le voyez, je vous réponds sur la stratégie et sur l'avenir plutôt que sur le niveau de prix de l'électricité, car je crois que le système tel qu'il est, géré de façon administrative – passez-moi l'expression, je ne remets nullement en cause l'administration –, ne pourra pas perdurer si nous voulons un grand champion énergétique.