Des arrière-pensées politiques, j'en ai eues. Elles ne me choquent pas. Un homme ou une femme qui veut être élu part pour gagner, pas pour perdre. En l'espèce, nous ne parlons pas d'arrière-pensées politiques, mais de la destruction d'une filière majeure d'intérêt général, ce qui n'a rien à voir.
Si vous faites allusion à la démagogie, madame la députée, elle existe. Y ai-je moi-même cédé ? Certainement. La politique, je l'ai dans le sang, je l'ai aimée. Je la trouve très noble. Je serai toujours du côté de ceux qui choisissent l'engagement contre ceux qui restent au bord de la rivière les bras croisés et ne s'engagent sur rien. Aux experts, je préfère les combattants.
En l'occurrence, il ne s'agit pas d'arrière-pensées politiques. Nous sommes dans le dur, comme lorsque nous parlons de l'armée française. Vous n'auriez pas réuni une commission d'enquête pour investiguer une petite arrière-pensée politique ou une petite blague. Le sujet est bien plus sérieux.
Sur l'opinion publique, la grandeur d'un politique est de savoir aller contre elle si nécessaire. La politique, c'est la conviction, pas la séduction, qui peut en naître mais n'en est jamais le préalable. On séduit parce que l'on convainc, dans cet ordre. Faire passer la séduction avant la conviction pose problème.
Sur Fukushima, on a menti à l'opinion publique en qualifiant cette catastrophe d'accident nucléaire. Les chiffres sont brutaux. Savez-vous combien de victimes ont péri à Fukushima ? 12 000, en raison du raz-de-marée. Combien y a-t-il eu de victimes tuées par les radiations ? D'après le rapport des Nations unies, un seul malheureux. La catastrophe de Fukushima est un tremblement de terre de force 9, qui ne s'était jamais produit au Japon.
J'étais le premier visiteur étranger au Japon, dix jours après la catastrophe. Tout le monde me déconseillait d'y aller, par peur de la radioactivité. Je me souviens avoir traversé Tokyo vide de voitures. Il n'y avait pas un avion sur le tarmac de l'aéroport de Tokyo.
Un tsunami de force 9 s'est produit le 11 mars 2011. La vague a atteint 30 mètres de haut et a pénétré 10 kilomètres à l'intérieur des terres. J'ai vu un endroit où elle a atteint 42 mètres de haut. Elle a détruit les groupes électrogènes de secours de la centrale, qui sont tombés en panne, ce qui a entraîné une destruction du système de refroidissement et la fusion du réacteur, qui a tenu, même s'il y a eu des émanations.
Les autorités internationales ont classé l'accident au niveau 7, comme Tchernobyl, mais leurs conséquences respectives n'ont rien à voir. Tchernobyl est un accident nucléaire, Fukushima, une catastrophe. Peu après, nous avons réalisé 12 milliards de travaux dans les centrales françaises, que nous avons équipées de groupes électrogènes diesel de secours et de réserves d'eau ultimes.
Au Japon comme en France, c'était l'hystérie. Au Japon, c'est compréhensible, les gens étaient sonnés. J'ai entendu le Premier ministre me dire « Je ne peux plus tenir, nous allons arrêter le nucléaire ». Je l'ai supplié de prendre le temps de réfléchir. Mais en France ? Que craignaient ceux qui voulaient fermer Fessenheim ? Un tsunami sur le Rhin ?
Le système de l'Arenh est éminemment complexe. Nous ne pouvons pas conserver un modèle dans lequel EDF est assise sur les centrales nucléaires françaises sans vendre son énergie aux autres. Ce n'est pas l'Union soviétique, ici. Nous ne pouvons pas fonctionner ainsi. Je reconnais qu'il y a quelque chose d'un peu kafkaïen à produire davantage d'électricité dans le seul but de la vendre. Je me suis posé la question à l'époque.
La politique, comme l'a rappelé M. le président, consiste à faire des compromis. La politique, ce n'est pas simplement écouter – cela serait tellement simple ! –, c'est aussi interpréter. L'homme de la rue, auquel vous avez affaire en tant que députés, pense parfois vert ou noir en vous disant rouge. Telle est la noblesse, et la difficulté, de la politique : transformer des contradictions en énergie positive pour trouver une voie. Moi, j'ai toujours voulu parler à la France qui travaille ; mais comment convaincre les ouvriers qu'on est véritablement avec eux en récompensant le travail, en bossant davantage et en reconnaissant le mérite ?
À défaut d'ouvrir le marché à la concurrence, que fallait-il faire ? Laisser EDF assise sur le trésor des cinquante-huit réacteurs nucléaires français et interdire à tous nos concurrents étrangers de venir en France vendre de l'électricité ? Fonctionner comme avant ? Mais les choses ont changé, le Marché unique s'est développé. Si les autres concurrents nous traitaient ainsi, nous hurlerions à la mort.
Nous sommes en Europe. J'y suis très attaché. J'ai eu la chance de diriger l'Europe. J'ai répondu aux questions des membres du Parlement européen – 750 parlementaires travaillant en vingt-deux langues, et cela fonctionne, puisque nous ne sommes pas en guerre. Quand on voit où en sont les Britanniques, on n'a pas envie de suivre leur exemple.
La politique exige des compromis. J'essaie de répondre aux questions du niveau où j'étais, non par refus d'en descendre, mais pour rappeler qu'un chef d'État n'a personne au-dessus, beaucoup de gens en dessous et doit trouver un équilibre. J'en ai trouvé un dont j'admets volontiers qu'il n'est ni définitif ni parfait. Je présente le raisonnement qui m'y a amené.
De même, j'ai reculé l'âge de départ en retraite à 62 ans en disant d'emblée que cette réforme n'était pas définitive. Je ne crois plus à la réforme définitive qui vaut pour cinquante ans. Nous avons adopté la loi Nome, en suivant un raisonnement qui me semble cohérent et conforme à nos obligations. Peut-on la modifier ? Cela ne me pose aucun problème. En revanche, dire qu'elle est la cause des problèmes d'EDF, je ne l'accepte pas.