La loi Nome n'a rien à voir avec le démantèlement de la filière nucléaire. On peut être pour ou contre cette loi, mais qu'on ne me dise pas que l'accord PS-Écolos a été conclu à cause d'elle ! C'est une plaisanterie ! Un choix idéologique absurde a été fait, qui n'a rien à voir avec la loi Nome, même si l'on considère qu'elle affaiblit EDF. Cet argument est irrecevable.
J'ai eu à travailler de près sur EDF à deux reprises.
Sur le statut, j'ai beaucoup travaillé avec un homme que j'appréciais, Frédéric Humbrecht, patron de la CGT-Énergie à l'époque. Le changement de statut d'EDF nous est tombé sur le dos, Bruxelles indiquant qu'EDF pouvait accéder au marché sans problème grâce à la garantie de l'État et qu'il fallait en changer le statut. J'ai dû le faire, ce qui a provoqué, lors de ma visite à Chinon, une forme d'émeute, dont je suis sorti vivant, et qui était en fin de compte assez sympathique. Nous avons pu le faire sans trop de drames. C'était ma première intervention. Je n'ai pas eu le choix. Nous faisons partie de l'Europe. Je suis un Européen convaincu. L'Europe était persuadée qu'il fallait ouvrir le marché de l'électricité à la concurrence, que je préfère d'ailleurs au monopole, lequel finit toujours en catastrophe.
S'agissant de la loi Nome, je rappelle que l'origine de l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie se trouve dans les directives européennes du « paquet énergie », adopté en 1996. Il a été transposé dans la législation française par trente textes. Ces trente textes qui ont ouvert le marché à la concurrence ont été adoptés en 2000 et en 2001. Qui était Premier ministre ? M. Jospin, dans le cadre d'une cohabitation. Dans la vie, il y a des dates et des faits ; c'est embêtant, mais c'est ainsi. C'est à cela que sert l'histoire. Il ne faut pas hésiter à se replonger dans les livres ; si on ne sait pas d'où on vient, on ne sait pas où on va. La loi Nome est très exactement le résultat de ces dispositions, couronnées – excusez du peu – par le sommet de Barcelone, qui s'est tenu en 2002, quelques mois avant que Jacques Chirac soit réélu et que j'entre au Gouvernement.
La loi Nome a été la conséquence de cette libéralisation. Je ne vais pas tomber dans la démagogie et dire que je suis contre la concurrence ; j'y suis assez favorable, y compris pour les trains. Je pense que la concurrence boostera un peu la SNCF. Elle boostera aussi Air France, qui en a besoin.
À l'époque, nous avions EDF, Areva et Suez, qui opérait le nucléaire en Belgique. Mettez-vous à ma place de Président de la République : je n'allais pas casser l'un pour l'autre ! Je n'étais pas actionnaire ! Nous avions plusieurs champions. Maintenant, nous n'en avons plus. Est-ce mieux ? Je ne le crois pas. Lorsque nous devions attribuer la construction de la centrale de Penly, la grande bagarre opposait EDF à Suez. Nous avions de la richesse !
Lorsque M. Jean-Louis Borloo m'a proposé de fixer le montant du mégawattheure (MWh) de l'Arenh à 40 euros, puis à 42 euros, on m'a accusé de défendre EDF au détriment des consommateurs. Il en a été de même lors de l'attribution d'une quatrième licence de téléphonie mobile, outre celles attribuées à France Télécom, Bouygues et SFR. Croyez-moi, je me suis fâché avec beaucoup de gens ! Ceux qui ont eu la licence l'ont oublié, mais ceux qui ont vu arriver un nouveau concurrent savent qui était le coupable. C'est aussi de l'ouverture à la concurrence. Maintenant que nous avons quatre opérateurs de téléphonie mobile, qui oserait s'en plaindre ? Les trois premiers m'expliquaient que l'arrivée d'un quatrième opérateur les tuerait. Leur émotion faisait peine à voir. Quinze ans plus tard, personne n'est mort, tout le monde gagne de l'argent et les prix de la téléphonie mobile ont été divisés par trois ou quatre. J'assume d'être favorable à la concurrence.
L'idée selon laquelle nous pouvions conserver une EDF reine du monde, assise sur le nucléaire et payée par les impôts des Français sans qu'aucun fournisseur ne puisse venir lui faire concurrence est une idée que je n'approuve pas. Je ne dis pas que la loi Nome est bonne, ni que les conditions n'ont pas changé ; de tout cela, on peut discuter. Au niveau de Président de la République où j'étais – autorisez-moi à rester sur l'autoroute et à ne pas emprunter les départementales : lorsque vous êtes Président de la République, vous êtes toujours sur l'autoroute, et si vous empruntez les départementales, vous vous perdez –, l'ouverture à la concurrence, dans son principe, ne me choquait pas.
J'accepte tout à fait le débat sur ce point qui, contrairement au débat sur le nucléaire, est un débat d'ordre intellectuel. Il est intéressant et parfaitement légitime : certains sont pour la concurrence, d'autres non.
J'ai accepté la loi Nome, qui nous mettait en conformité avec nos obligations européennes. Faut-il la modifier ? Peut-être, cela ne me pose pas de problème. Mais, sur le fond, je préfère l'ouverture à la concurrence au monopole, n'ayant jamais été un admirateur de Staline, des communistes, du modèle chinois et du reste.