Je pense qu'il ne faut pas confondre les compétences d'expertise et la fonction d'autorité exercée par l'Autorité de sûreté nucléaire. Il est utile et important de disposer d'une autorité de sûreté, c'est-à-dire un organisme indépendant et exprimant une conviction à partir de l'engagement de son collège.
Aujourd'hui, il est proposé que l'engagement de ce collège se nourrisse aussi de l'IRSN. Il faut donc être très clair : à partir du moment où l'IRSN rejoint l'ASN, l'IRSN est sous l'autorité du collège. Évidemment, cela change ses règles de fonctionnement.
Aujourd'hui, l'IRSN est un établissement public placé sous l'autorité d'un directeur général nommé par le Gouvernement. C'est un système quelque peu équivoque, parce que l'Institut emploie des experts qui, à juste titre, considèrent qu'ils sont d'abord des experts. Or, comme le directeur général est nommé par le Gouvernement, il devient une forme d'autorité et entre par là même en concurrence, qu'il le veuille ou non, avec l'autorité collégiale que la loi a voulu organiser avec l'ASN. C'est ce qui fonde la cinquième recommandation : le Gouvernement propose qu'il n'y ait qu'une seule autorité, parce qu'il n'y a qu'un seul collège, et parce qu'il y a une inquiétude, elle se voie attribuer aujourd'hui les moyens d'expertise de l'IRSN. Ces moyens d'expertise existeront de manière privée – travaux et recherches à la demande du collège – et ils n'existeront de manière publique qu'à partir du moment où le collège reprendra leurs observations.
Des expertises, comme le disait François Jacq, il y en a partout : l'expertise du CEA, puisque la recherche appuie la sûreté, mais aussi celle d'EDF, gestionnaire des réacteurs depuis cinquante ans, ce qui n'est pas négligeable. Les équipementiers travaillant sur les soudures connaissent admirablement la métallurgie, domaine essentiel dans le nucléaire – je crois d'ailleurs que Bernard Doroszczuk lui-même vient de la métallurgie. Les expertises sont donc multiples.
En outre, on parle beaucoup des nouveaux réacteurs à neutrons rapides, on dit que c'est formidable, parce qu'on va pouvoir utiliser un uranium faiblement enrichi et des déchets d'uranium. Mais pour l'instant ils n'existent pas. Il y aura donc une expertise privée internationale, américaine ou française qui se développera sur ces techniques. Puis un jour, il faudra une autorité pour contrôler la sûreté de ces réacteurs, et il ne peut y en avoir qu'une, le collège. Puisque des chercheurs sont mus par l'idée de service public, de radioprotection et par le souhait de se mettre à disposition des pouvoirs publics, il est normal qu'ils rejoignent l'ASN. Toutefois, ils ne seront pas les seuls, donc ils seront en débat. Ainsi, l'ASN disposera de son personnel et devra le gérer, et certes, vous avez raison, je n'exclus pas que des équipes rejoignent le CEA ou un exploitant à un horizon de cinq ou dix ans.
Cependant, ce qui est proposé aujourd'hui est un collège qui assume la fonction d'autorité, en s'appuyant sur toutes les expertises, dont la sienne. Je dis bien « dont la sienne », puisque l'ASN devra s'appuyer sur des expertises externes dans certains cas. Par exemple, nous n'avons plus d'expérience en matière d'exploitation des réacteurs à neutrons rapides en France. Il faudra donc bien que l'ASN se retourne vers des personnes qui s'y connaissent, car elle ne trouvera pas cette expertise au sein de ses équipes.
Enfin, en tant que pouvoirs publics et parlementaires, nous avons besoin que nos compatriotes soient rassurés. Donc il faut une autorité, alors que des experts, il y en a beaucoup et que leurs avis divergent – nous l'avons vu dans le domaine de la santé.