Intervention de Pierre Henriet

Réunion du mardi 28 février 2023 à 14h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Henriet, député, président de l'Office :

En ayant permis aux parties prenantes de s'exprimer publiquement, l'Office a assumé sa mission d'information du Parlement sur les conséquences des choix en matière scientifique et technologique. Peut-être même a-t-il contribué, ce faisant, à faire émerger plus clairement les trois grands principes qui doivent désormais guider la poursuite du projet.

Nous avons pu le constater dans le communiqué de presse publié le 23 février par le ministère de la Transition énergétique, qui a annoncé ces trois grands principes : d'abord, le maintien des compétences dans la future structure unifiée, ensuite la séparation – chère à Claude Birraux – entre les rôles exécutifs du contrôle et de l'expertise et les rôles de décision et de pilotage stratégique en particulier, et enfin les garanties sur l'information, la transparence et le dialogue technique avec la société.

Cette réforme suppose des ajustements législatifs, auxquels nous allons pouvoir contribuer dans le cadre des travaux qui débuteront cette semaine en commission à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement prévoit de les proposer par amendement au projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, et nous pourrons les compléter. Pour information, au moins deux amendements ont d'ores et déjà été déposés : l'un relatif au statut des personnels de l'IRSN, l'autre aux missions de l'ASN.

Par ailleurs, nous estimons que la réforme ne peut pas faire l'économie de la plus grande transparence quant aux forces et faiblesses du système de contrôle actuel. Faute d'un diagnostic complet, rigoureux et rapidement rendu public, le risque est de faire apparaître ce projet au mieux comme un simple « meccano administratif », au pire comme un moyen de ne pas faire obstacle aux objectifs fixés à la filière pour le renouveau du programme électronucléaire national.

À la lumière de l'audition publique du 16 février dernier, nous soumettons à votre examen cinq recommandations.

En premier lieu, l'Office prend acte des grands principes énoncés dans le communiqué du 23 février 2023. Nous considérons que ces principes répondent de façon appropriée à diverses interrogations et inquiétudes exprimées, à juste titre, lors de l'audition publique. Ainsi, l'Office souhaite que les ajustements juridiques nécessaires à la mise en œuvre du projet de réforme se conforment rigoureusement aux trois principes précités, notamment pour garantir l'autonomie de l'expertise par rapport à la décision – à l'image de ce qui existe à la NRC, comme l'a évoqué le directeur général de l'IRSN. L'Office propose donc qu'un contrôle du Parlement, en particulier de l'Office, soit effectif lors de la mise en place de la réforme.

En deuxième lieu, l'Office estime que, puisque le projet de réforme vise à mettre en place un système de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection intégrant l'expertise, celui-ci doit être organisé en tirant tous les enseignements possibles des systèmes intégrés étrangers et en retenant les meilleures pratiques disponibles.

En troisième lieu, l'Office attire l'attention sur la nécessité de ne pas dégrader le fonctionnement du système de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pendant la phase de transition entre le dispositif actuel et le dispositif annoncé. Nous estimons que le maintien en bloc des compétences en matière de recherche et d'expertise au sein de la future autorité de sûreté, plutôt que leur dispersion, est susceptible de contribuer à cet objectif – je pense que cet avis a véritablement été partagé par l'ensemble des personnes consultées.

En quatrième lieu, l'Office considère que l'intégration dans l'ASN des compétences d'expertise présentes au sein de l'IRSN ne doit pas conduire à créer, au profit de l'autorité de sûreté, un monopole de l'expertise nucléaire. Les pouvoirs publics et l'ASN, dans le respect du principe d'indépendance applicable à cette dernière, doivent ainsi veiller à développer dans d'autres organismes, y compris non institutionnels, les compétences nécessaires au fonctionnement d'un système de contrôle ouvert et transparent – parmi les organismes non institutionnels, je pense en particulier à la société civile et aux acteurs que nous avons pu interroger.

En dernier lieu, l'Office estime indispensable qu'une telle réforme soit aussi l'occasion de s'inscrire dans une vision plus large et permette d'anticiper les évolutions futures, notamment celle d'un monde où les acteurs de la filière nucléaire deviendraient plus nombreux et diversifiés qu'aujourd'hui, ainsi que celle d'un accroissement de la complexité du contrôle qui nécessiterait une parfaite coordination.

Je vous propose d'échanger prioritairement sur la formulation des recommandations, sachant que celles-ci auront une importance particulière dans le cadre des débats qui auront prochainement lieu, en particulier à l'Assemblée nationale. Comme l'a indiqué Gérard Longuet, la restitution des conclusions vise à traduire l'essentiel des réflexions échangées lors de l'audition. Elle n'a pas pour vocation l'exhaustivité, ce qui explique pourquoi nous nous sommes contentés de proposer cinq recommandations : cela permet à la fois une transparence, mais aussi une synthèse de ce débat très complexe.

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