. – Le plan 4 me paraît, sur le papier et en présentation, enfin, un peu plus complet, un peu plus engageant de la part de l'État et avec surtout une meilleure coordination des services. La faillite des précédents plans, bien que faillite soit peut-être un mot excessif, s'explique par le fait que chacun des secteurs de l'État faisait ses recommandations et prenait ses décisions. Ce plan 4 permet une coordination. J'espère que celle-ci sera un peu plus efficace et que l'État travaillera enfin avec les acteurs locaux et avec les collectivités.
Je crois que l'efficacité viendra si les acteurs locaux sont des relais. Ces relais ne sont pas les politiques sur place, mais plutôt des associations. Je suis allée à des réunions d'agriculteurs et j'ai vu l'engagement des équipes agricoles locales. Je pense que c'est par l'engagement des acteurs locaux que nous réussirons à convaincre. Par exemple, sur la chlordéconémie, j'ai demandé à mes collègues d'outre-mer sénateurs, s'ils s'étaient fait tester et ils m'ont répondu qu'ils n'avaient pas eu le temps. Il faut qu'ils s'engagent. Ils pourraient montrer qu'ils se sont fait tester, qu'ils n'ont pas de chlordécone dans le sang ou, s'ils en ont un peu, refaire un test six ou huit mois plus tard, en disant qu'ils ont évité de manger trop d'igname, ou qu'ils n'ont acheté que du poisson dont ils connaissaient la provenance et qu'ils n'ont plus de chlordécone dans le sang. Il faut que l'engagement des acteurs locaux soit vraiment réel.
Concernant les cancers de la prostate, la chlordécone expliquerait entre 5 et 7 % de cancers supplémentaires de la prostate. Le cancer de la prostate ne survient pas à 30 ou 40 ans et l'indemnisation est limitée aux travailleurs des bananeraies. Si le travailleur avait 20 ans quand la chlordécone a cessé d'être utilisée, il a tout juste 50 ans aujourd'hui. Le cancer de la prostate va peut-être se développer plus tard, à l'âge où les hommes déclarent, en métropole ou ailleurs, des cancers de la prostate. Ce peut être une explication. Par ailleurs, la communication sur la possibilité de bénéficier d'une indemnisation et d'une prise en charge du cancer de la prostate n'a sans doute pas été très efficace.
Nous allons peut-être découvrir que l'alerte, qui avait été faite en 2009, sur le cancer de la prostate, n'est pas la conséquence la plus importante et que d'autres maladies et d'autres cancers peuvent être liés, non seulement à la chlordécone, mais à l'effet cocktail de plusieurs pesticides dont parlent de plus en plus les chercheurs et médecins. Lorsque la chlordécone a été interdite, d'autres pesticides, qui n'étaient pas très efficaces contre le charançon, ont été utilisés. Depuis maintenant une quinzaine d'années, sont utilisées des méthodes très naturelles, avec des phéromones, pour attirer le charançon. D'autres maladies vont peut-être découler de la chlordécone.
Il est effarant que l'on se soit préoccupé, en ciblant les travailleurs des bananeraies, d'abord du cancer de la prostate et de la fertilité des hommes, et que l'on ne commence que maintenant à s'occuper des problèmes des femmes. Dès 2004, on s'est tout de même préoccupé de la femme enceinte, puisque l'on trouvait de la chlordécone dans le cordon ombilical et dans le lait. Comme la chlordécone a une durée de vie de trois mois dans l'organisme humain, en faisant attention à l'alimentation, le taux de chlordécone diminue très vite. Si les conseils alimentaires et sanitaires avaient été appliqués et suivis par la population, la situation serait plus favorable.