Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du lundi 6 mars 2023 à 21h30
Commission des affaires économiques

Agnès Pannier-Runacher, ministre :

Au niveau international, les autorités de sûreté nucléaire considérées comme des références sont celles qui incluent des compétences d'expertise, tout en pouvant faire appel de surcroît à des expertises externes. La construction française est très particulière : l'Autorité de sûreté nucléaire possède des compétences d'expertise, mais dans une proportion relativement limitée – elles sont cantonnées aux équipements sous pression ; pour le reste, elle recourt presque exclusivement à l'expertise de l'IRSN, même si elle peut, en tant que de besoin, faire appel à des expertises externes.

Notre objectif est de renforcer l'Autorité de sûreté nucléaire. En transférant les compétences de l'ASN, autorité administrative indépendante, à un Epic, nous serions allés dans le sens contraire de l'histoire. Le transfert ne peut se faire que dans l'autre sens, avec pour objectif de conforter l'ensemble de l'équipe chargée de la sûreté. Autant vous avez raison lorsque vous dites que l'expertise doit être distinguée du contrôle, autant rien n'empêche de concentrer les deux fonctions dans un même organisme – c'est d'ailleurs le cas dans la très grande majorité des autorités de sûreté nucléaire. Se priver de la partie expertise pourrait même constituer un point de fragilité.

Le rapport de la Cour des comptes résumait bien les enjeux, notamment en ce qui concerne l'amélioration des procédures, à la veille d'un programme de grande ampleur. La même raison explique que nous présentions cette réforme maintenant : la situation n'est plus tout à fait la même qu'il y a quelques années. Dans la perspective de l'instruction des dossiers concernant l'EPR 2 et la prolongation des centrales – je pense notamment à la question de la corrosion sous contrainte –, la préservation de l'excellence en matière de sûreté nucléaire revêt un caractère d'intérêt général. Nous devons agir le plus tôt possible, tout en donnant le maximum de sécurité aux salariés de l'IRSN.

Je partage vos préoccupations en matière de transparence vis-à-vis du public. C'est un des éléments motivant les sous-amendements, notamment celui qui traduit les propositions de l'Opecst. Nous avons saisi l'Office ; celui-ci a mené plusieurs auditions et produit un rapport en amont de cette réunion pour éclairer le débat. Il a formulé cinq recommandations, dont nous reprendrons volontiers la plupart. Un des sous-amendements qui avait cet objet a dû être déclaré irrecevable, mais il a vocation à être redéposé en séance. Le Gouvernement fera preuve de la plus grande écoute possible à l'égard des recommandations de l'Opecst.

Les avis émis dans le cadre de l'expertise technique ont vocation à être rendus publics, de manière à appuyer les décisions de l'Autorité de sûreté nucléaire.

En ce qui concerne l'organisation, nous élargissons les missions de l'ASN et donnons de la sécurité aux salariés. Il n'est pas encore question de définir le détail de l'organisation des missions ; ce sera l'objet d'étapes ultérieures, certaines réglementaires, d'autres législatives – je pense notamment au projet de loi de finances pour 2024.

La réforme n'est en rien précipitée. Elle en est à son démarrage et sera menée dans des délais suffisamment rapides pour que nous ne risquions pas de déséquilibrer notre sûreté nucléaire, mais en prenant le temps de mener la concertation. Le rapport proposé par M. le président Marleix nous permettra de consolider cette démarche.

La radioprotection fait bien partie des missions confiées à l'ASN.

Les contrats de droit privé sont maintenus, et l'ASN aura la possibilité de recruter sous cette forme – c'est l'enjeu de l'amendement CE610. Ses salariés pourront soit conserver leur statut, soit en changer.

Le soutien aux autres autorités européennes n'est pas remis en cause. Il n'y a aucune raison de le faire ; il s'agit de missions de service public.

Monsieur Bolo, les moyens ont vocation à être revus. Ce sera tout l'enjeu du projet de loi de finances pour 2024. Nous élaborons dans ce projet de loi le cadre de la réforme ; l'organisation et l'analyse des conséquences seront abordées dans le rapport.

Il est important que le Parlement soit étroitement associé à la réforme, en particulier à travers l'Opecst, qui pourra constituer un relais. L'Office aura à connaître de chaque étape, réglementaire et législative.

Nous n'en sommes donc qu'à l'orientation générale, mais il nous semblait important de donner d'emblée l'assurance aux 1 700 salariés de l'organisme que les contrats ne seraient pas remis en cause et que nous ne séparerions pas les missions de recherche et d'expertise. J'ai passé plus de quatre heures avec les organisations syndicales ; je connais leur position. Le point de départ de la réforme ne fait pas l'objet d'un accord, mais nous essayons de répondre aux points de vigilance sur lesquels ils appellent notre attention.

Enfin, la prétendue révélation de ce soir n'est que le fruit de la communication très régulière à laquelle procède EDF, qui a bien sûr pris le temps de vérifier la qualité des données avant de les publier. Je rappelle que le réacteur de Penly est à l'arrêt et qu'il n'y a donc aucun risque. Chacun fait son travail, dans le rôle qui est le sien. Il ne faudrait pas jeter le discrédit sur les 500 personnes qui œuvrent tous les jours pour assurer la sûreté nucléaire. (Exclamations.) Je comprends le bénéfice politique que l'on peut tirer de la zizanie, mais une telle démarche ne me semble pas appropriée. Respectons les agents publics de l'Autorité de sûreté nucléaire.

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