Monsieur Lovisolo, le plan de souveraineté pour la filière des fruits et légumes comporte deux volets, qui seront financés de manière à peu près équivalente. Dès 2023, nous lancerons un programme de modernisation, notamment des vergers et des serres, visant à rendre la filière plus compétitive. Le second volet portera quant à lui sur la recherche et l'innovation. Nous flécherons en priorité les crédits vers les productions qui se trouvent dans une impasse, par exemple vers la filière de la cerise, qui se trouve confrontée à des interdictions, nationales et désormais européennes, de produits phytosanitaires et qui n'a plus de solutions techniques. Le principe directeur, ce sera le maintien de la souveraineté. Nous disposons grâce au compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar) et au plan France 2030 des moyens pour ce faire.
Il faut en outre combiner recherche fondamentale et recherche appliquée. Si certains objets de recherche fondamentale peuvent paraître opératoires, encore faut-il que les agriculteurs s'approprient les solutions proposées et que celles-ci soient utilisées massivement dans les exploitations.
On ne peut pas entretenir un système qui consisterait à accorder une indemnisation pour chaque interdiction : ce ne serait pas viable économiquement, et je ne connais pas un agriculteur qui souhaiterait vivre d'indemnités. Néanmoins, nous sommes en train d'examiner si une indemnisation ne peut pas être accordée pour quelques productions bien précises, notamment celle que j'ai évoquée. Il faut aussi regarder si d'autres produits phytosanitaires ne peuvent pas être utilisés.
L'objectif du plan est de gagner cinq points de souveraineté d'ici quatre ou cinq ans et dix d'ici dix ans. En une vingtaine d'années, les importations de fruits et légumes se sont en effet accrues de plus de 50 %. Il faut que nous puissions répondre à la demande de nos concitoyens.
Monsieur Blairy, ce sont 2,7 milliards d'euros qui sont prévus pour l'agriculture dans le cadre de France 2030. L'enveloppe de 65 millions que vous évoquez est consacrée à un objet bien précis, à savoir les technologies de rupture ; il ne s'agit en aucun cas de financer l'achat d'équipements dans les 400 000 exploitations. De surcroît, vous connaissez suffisamment bien le sujet pour savoir que les besoins en numérique ne sont pas les mêmes pour un maraîcher et pour quelqu'un qui exploite de vastes cultures.
C'est donc bien de recherche qu'il s'agit, et cette recherche n'est pas uniquement publique, elle est aussi privée : nous soutenons les programmes de fabricants de matériels et de créateurs de logiciels. C'est une question d'intérêt public, mais il faut que chacun y trouve sa rémunération.
Pour diffuser massivement les innovations, il me semble que la meilleure solution – c'est en tout cas celle qui avait été utilisée avec succès dans l'après-guerre – est de passer par l'intermédiaire de centres techniques territoriaux, en particulier par celui des chambres d'agriculture. Il s'agit d'un tiers de confiance : les agriculteurs connaissent bien leurs conseillers. Il faut les renforcer dans leurs prérogatives, afin qu'elles puissent penser globalement le système en dérèglement climatique et accompagner les transitions. C'est pourquoi nous leur avons apporté cette année un soutien complémentaire – même si d'autres acteurs, comme les coopératives agricoles, peuvent eux aussi jouer un rôle.
Monsieur Caron, il convient d'être attentif aux mots que l'on emploie. Vous avez utilisé les qualificatifs de « destructeur » et de « toxique ».