Il existe un épilogue à tout cela : la grande faillite du système. Ces entreprises, qui ne visent que des levées de fonds, se retrouvent dos au mur face à cette nouvelle crise, où « l'argent gratuit » de 2008 a disparu.
Par ailleurs, des décisions de justice se font de plus en plus impitoyables à leur encontre, partout dans le monde.
Enfin, comme un coup de grâce, le Parlement européen vient d'adopter une directive qui viendrait réellement protéger les travailleurs. Toutes ces années ont montré qu'Uber était prête à aller au plus loin de « l'exploitation humaine ».
Uber devait, au départ, permettre de lutter contre le chômage. Elle s'est transformée en quelques années en une société digne de l'époque coloniale. Uber a-t-elle eu la réelle volonté d'exploiter une main-d'œuvre migrante, primo-arrivante, sans-papiers ? La question devrait être posée à M. MacGann.
Que ce soit une volonté ou une finalité, l'ubérisation est devenue pour beaucoup synonyme d'esclavage. Selon nous, l'ubérisation s'apparente davantage à de l'engagisme : un système qui a succédé à l'esclavage, après son abolition en 1848. L'engagisme est une forme d'emploi réservé aux travailleurs natifs des colonies (anciens esclaves) ou immigrés d'Afrique, d'Inde ou d'Asie, pour satisfaire les besoins en main d'œuvre des colonies. En pratique, des millions de travailleurs étrangers, à qui l'on promettait monts et merveilles, ont émigré pour signer un contrat d'engagement, dont la durée varie selon l'origine et la colonie d'accueil, avec des patrons qui pouvaient disposer d'eux à leur gré et les employer à ce qu'ils voulaient, et ce jusqu'à la veille de la première guerre mondiale.
Parce que cette traite est devenue très visible chez Uber, le gouvernement a fait acte, non plus de lobbying, mais de protection vis-à-vis de la plateforme californienne. Afin qu'Uber ne soit pas inquiétée par les futures mesures répressives de la loi asile et immigration, le gouvernement a demandé à l'entreprise de procéder à une purge massive des livreurs sans-papiers. La future loi prévoit en effet une nouvelle amende administrative de 4 000 euros maximum par travailleur, doublée en cas de récidive.
Plusieurs milliers de travailleurs sans-papiers se sont donc retrouvés du jour au lendemain sans moyen de subsistance. Ces travailleurs doivent désormais lutter contre une politique qui vise à faire passer leur engagisme d'un état de fait à un état de loi, la future loi asile et immigration détaillant bien comment les promesses de régularisation ponctuelle d'un an viseront à institutionnaliser ce néo-engagisme dans certains métiers. Même si Uber ne devrait pas être concerné dans ce cas, la livraison étant loin d'être un secteur essentiel et en tension, il est difficile de ne pas voir que cette société a été précurseur de ce nouveau modèle.
Il incombe donc à cette commission de bien comprendre et de synthétiser plus de dix ans d'un lobbying hyper-prédateur, anticonstitutionnel et antisocial. Sous l'ère Macron qui remonte bien avant sa présidence, le lobbying ne relève plus de la simple influence, mais du mandat, voire de l'aveu de complicité.