À partir de cette date, de nombreux textes, ordonnances et décrets viennent diluer les contours que prend le lobbying, illustré par la présidence de l'Arpe en la personne de Bruno Mettling.
L'ordonnance du 21 avril 2021 établit que le gouvernement peut décider par ordonnance de l'ordre du jour et du calendrier du dialogue social, ce qui va à l'encontre des principes du dialogue social.
D'après l'article L. 7345-1 du code du travail, l'Arpe est une autorité administrative, qui doit réguler les relations entre les plateformes et les travailleurs ayant signé un contrat commercial. Comment une autorité administrative peut-elle réguler les relations qui sont, par nature, commerciales, qui relèvent d'un contrat commercial et donc d'une juridiction commerciale ?
L'article L. 7343-14 du code du travail dispose qu'une demande d'autorisation de rupture d'un contrat commercial entre un représentant de travailleur qui siège à l'Arpe est adressée à celle-ci. Que vient faire une autorité administrative dans la rupture d'un contrat commercial ?
Le décret n° 2021-1461 du 8 novembre 2021 continue à nous inquiéter, puisqu'il prévoit que le conseil d'administration de l'Arpe délibère notamment sur les actions en justice et les transactions. Que devons-nous comprendre par « délibérer » ? Par ailleurs, est-ce vraiment l'endroit idéal ? Ne chercherait-on pas ici à donner au conseil d'administration des outils pour désamorcer des conflits devant les tribunaux ?
La sous-section 2 de ce décret autorise le directeur général de l'Arpe à rompre le contrat commercial des représentants désignés en application de l'article L. 7343-13 du code du travail. Outre l'empiétement de l'autorité administrative sur du droit commercial, nous pouvons nous demander si cette personne est directeur général ou juge.
L'ordonnance du 6 avril 2022, dans sa sous-section 6 relative à l'homologation des accords collectifs de secteur, dispose que l'Arpe est chargée d'homologuer les accords de secteur. Pourquoi cette tâche n'incombe-t-elle pas finalement à l'administration du travail ?
L'article 3 de cette ordonnance, modifiant l'article L. 7345-1 du code du travail, propose une médiation en cas de différend opposant un ou plusieurs travailleurs indépendants aux plateformes. Quel est le problème avec l'administration générale, le médiateur de la République ou le médiateur des entreprises ?
Cela vient semer le doute dans nos esprits sur le bien-fondé de cette mission et de ce dialogue social.
Lors des échanges avec la task force Mettling, l'un des principaux sujets visait la protection sociale des travailleurs des plateformes. Nous avons beaucoup débattu avec M. Mettling à ce sujet. Ce dernier voulait que la protection sociale soit prise en charge par les plateformes. De nombreux acteurs défendant les travailleurs, mais aussi ceux réellement indépendants, ont émis des réserves face à cette proposition qui venait instaurer une dépendance sociale à l'égard des travailleurs, en plus d'une dépendance économique.
Pour accéder à des droits sociaux, les travailleurs devaient fournir un certain nombre d'heures. M. Mettling a finalement reconnu cette possibilité de dépendance sociale et a décidé d'abandonner cette mesure. Or un amendement du gouvernement a été déposé en dernière minute dans le PLFSS 2022, ce qui vient démontrer le lobbying des plateformes. Cet amendement venait contredire les engagements de M. Mettling et forcer l'intégration de la prise en charge de la protection sociale par les plateformes.
Cette deuxième conclusion est venue rompre une confiance déjà toute relative à l'égard de l'Arpe et constituait un second indice de déloyauté de la part de cette autorité, ainsi qu'un énième acte du gouvernement traduisant un lobbying important de la part des plateformes.