Je vous apporte mon aide avec un grand plaisir. Je suis Harry Davies, journaliste pour The Guardian, où je pratique du journalisme d'investigation. J'ai travaillé avec un groupe de collègues sur cette enquête reposant sur un grand nombre de documents Uber.
En janvier 2022, nous nous sommes rendus à Genève pour rencontrer une source, confidentielle à l'époque. Notre source disposait d'un grand nombre d'informations et de documents concernant l'installation d'Uber en Europe. Dans les semaines qui ont suivi, nous avons étudié ces documents et nous les avons utilisés pour effectuer des investigations plus larges.
124 000 documents étaient présents, sous diverses formes. Nous avons découvert des informations qui dataient de 2013 à 2017, en provenance d'une quarantaine de pays d'Europe et d'Afrique. Ces informations concernaient notamment les dirigeants de cette entreprise.
The Guardian a décidé de partager ces informations avec l'ICIJ afin de travailler avec d'autres journalistes spécialisés dans ce type d'enquête. L'ICIJ a créé un groupe de journalistes en réseau au sein d'organes tels que le Washington Post, Le Monde ou encore Radio France. Plus de 180 journalistes de nombreux pays ont finalement participé à cette enquête.
Nous nous sommes rendus dans les locaux du journal Le Monde et chez Radio France pour évoquer ce sujet lié à la France et à Emmanuel Macron. Nos collègues du journal Le Monde ont été des partenaires clés et nous ont beaucoup aidés.
Entre avril et juillet de l'année dernière, ce groupe de journalistes a continué à étudier ces documents et à vérifier les diverses sources. Le 10 juillet, nous avons publié le premier reportage sur les Uber files. Différents aspects de cette enquête ont également été publiés les trois jours suivants.
Les Uber files ont montré qu'Uber a trompé les autorités et a enfreint les lois, en mettant en œuvre des pratiques douteuses, voire illégales. Uber a repoussé les frontières des pratiques habituelles de lobbying en utilisant certaines techniques mises en lumière par notre enquête. Pour ce faire, Uber a dépensé 90 millions de dollars en 2015 mais a néanmoins rencontré une certaine résistance. Les documents ont révélé la manière dont les activités de lobbying ont été conduites et nous avons compris que les dirigeants d'Uber sont passés au-dessus des autorités administratives pour établir, à leur avantage, des rapports avec des personnalités de très haut niveau au sein des gouvernements.
Nous avons évoqué la « boîte noire » du lobbying et nous avons compris que les lobbyistes et les politiques ne divulguent pas forcément l'ensemble de leurs activités. De nombreuses rencontres n'ont pas été enregistrées officiellement, notamment celles avec les autorités de transports publics à Londres.
La situation est similaire en France, où Uber a cultivé une relation proche avec Emmanuel Macron lorsqu'il était ministre à Bercy.
En Russie, ces documents ont aussi montré qu'il y avait eu des accords entre les dirigeants d'Uber et des oligarques proches de Vladimir Poutine pour y implanter le modèle Uber.
Ces documents montrent qu'Uber a mis la pression sur les gouvernements pour modifier les législations et installer l'économie des « petits emplois », qui souvent pèsent sur les travailleurs les plus pauvres.
Entre 2014 et 2016, Mark MacGann était lobbyiste pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. Son rôle était de persuader les pays de changer leurs réglementations concernant les taxis. Mark MacGann reconnaît ses erreurs et évoque des remords ; il considère désormais que son devoir est de raconter la véritable histoire d'Uber.
Mark MacGann nous a ainsi fourni ces 124 000 documents et a été une sorte de témoin dans cette affaire. Sa participation a donc principalement consisté à transmettre ces documents.
Uber a tenté de résister à notre investigation mais a tout de même reconnu avoir commis des erreurs par le passé, ce qui confirme que sa stratégie a désormais changé. Uber continue à croître et à fonctionner dans de nombreux pays.
Cette commission pourrait tenter de répondre à la question suivante : que se passe-t-il lorsque les technologies perturbent les systèmes et que les dirigeants de ces entreprises essaient de mettre la pression sur les gouvernements ?
Je souhaite souligner la décision difficile et courageuse prise par Mark MacGann. En tant que journalises, nous dépendons de personnes comme lui pour comprendre le fonctionnement du pouvoir. Si Mark MacGann n'avait pas pris la décision de parler, nous ne serions pas présents aujourd'hui pour évoquer cette affaire.