Intervention de Manuel Lafont Rapnouil

Réunion du jeudi 26 janvier 2023 à 11h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Manuel Lafont Rapnouil, directeur du Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (CAPS, ministère de l'Europe et des affaires étrangères) :

Il est évident que des acteurs politiques français font l'objet d'un tel ciblage. Il ne faut cependant pas confondre des stratégies d'influence légitimes avec des stratégies plus malignes ou problématiques. On peut évoquer notamment la mise sur écoute de personnalités politiques, de hauts fonctionnaires, d'experts, comme l'affaire Pegasus nous l'a révélé récemment. Mais il peut aussi s'agir de stratégie de communication plus ou moins agressive ou personnalisée d'acteurs diplomatiques en poste à Paris qui interviennent dans les débats politiques nationaux. Je pense par exemple à la « diplomatie du loup guerrier » exercée par des diplomates chinois.

De fait, les stratégies d'ingérence étrangère ne sont pas forcément cachées ou clandestines, elles peuvent s'étaler au grand jour et même être revendiquées. Je pense notamment à l'« affaire des deux Michael », conflit juridique et diplomatique qui a entraîné de fortes tensions entre le Canada et la Chine : deux ressortissants canadiens ont été condamnés pour espionnage et détenus en Chine de manière prolongée en rétorsion à l'arrestation au Canada d'une dirigeante de Huawei à la demande des États-Unis. Le discours chinois était particulièrement explicite quant au lien entre les deux affaires, à tel point que les deux Michael ont été libérés dans la foulée de la libération par le Canada de la dirigeante de Huawei. Il s'agit là d'une démonstration de force patente par les autorités chinoises, qui souhaitaient en faire un exemple.

De même, en Italie, une enquête a été conduite au sujet de financement de la Ligue du Nord par la Russie. Elle concernait des transactions d'approvisionnement en pétrole impliquant des versements de fonds à ce parti pour les élections au Parlement européen. Les preuves n'ont pas été suffisantes pour permettre au procureur de continuer les poursuites, mais la matérialité de la discussion et de l'offre n'a pas été contestée.

De fait il existe une grande variété de moyens disponibles pour construire des relations pouvant ensuite donner lieu à des proximités idéologiques, des compromissions, voire des chantages. Cela existe ailleurs en Europe et il n'y a pas de raison de penser que la France serait épargnée.

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