Vous nous avez expliqué que la frontière est parfois très ténue et subjective entre l'influence et la diplomatie, notamment la diplomatie culturelle. Je souhaiterais que nous nous penchions plus concrètement sur l'ingérence réelle, c'est-à-dire la volonté d'une puissance extérieure d'exercer une action d'influence directe sur les choix politiques ou la situation politique d'un pays tiers.
Selon moi, l'objectif de telles stratégies ne vise pas à ce que Vladimir Poutine remporte un concours de popularité en France. En revanche, il vise à favoriser l'émergence d'une forme de cinquième colonne qui puisse agréger les « idiots utiles » dont nous parlions et participer de l'intérieur à la déstabilisation d'un régime ou d'un gouvernement, voire de provoquer des affrontements.
À cet égard, il existe plusieurs soupçons d'ingérence directe et concrète de puissances étrangères. Je pense notamment aux rumeurs concernant le rôle de la Russie dans le processus indépendantiste catalan à travers un soutien financier. Je pense également à la volonté de certains proches de dirigeants nord-américains de soutenir et de favoriser l'émergence du mouvement des Gilets jaunes en France. Selon certains observateurs, l'objectif était bien d'affaiblir un compétiteur, qu'il s'agisse de l'Europe ou d'un pays tiers.
Les réseaux sociaux représentent de plus en plus un relai politique de ces volontés d'ingérence étrangère dans la vie interne de nos démocraties. Les cinquièmes colonnes se trouvent renforcées par les fake news et les biais de confirmation propagés par des robots. In fine, ces stratégies favorisent non seulement les intérêts des puissances étrangères mais aussi parfois ceux d'acteurs politiques locaux. Pensez-vous que nous sommes capables de remettre le génie dans la bouteille et de pouvoir influer sur l'enfermement algorithmique qui enserre nos sociétés démocratiques ?