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Intervention de Luc Rémont

Réunion du mardi 28 février 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Luc Rémont, président-directeur général d'EDF :

Dans l'industrie, il est important de connaître l'histoire et de conserver également la mémoire sur le long terme des activités industrielles. Les activités turbines du groupe Alstom ont failli entraîner sa chute en 2003 pour un défaut générique.

Ce défaut générique portait sur les turbines GT 24 et GT 26 venant d'une acquisition faite auprès du groupe ABB. Les due diligences sur la qualité des turbines qui avaient été achetées étaient probablement incomplètes. Ainsi, ces turbines étaient instables et ne tenaient pas le cycle ; une très grande majorité des clients se sont retournés vers Alstom qui avait acheté ces activités, en demandant un dédommagement, à coup de milliards d'euros, pour des centaines de gigawatts.

Alstom a repris un travail de qualité en faisant appel à des experts et en travaillant industriellement sur les activités achetées. L'entreprise est parvenue à redresser son activité et, avec le concours de l'Etat à l'époque, à la soutenir sur les années suivantes.

Les négociations avec la Commission européenne pour aide d'État étaient très longues et Alstom est sortie de cette période affaiblie dans le domaine des turbines à gaz. Durant la décennie 2010, le métier des turbines en général commence à plonger à l'échelle mondiale. Après la crise financière, le marché ne reçoit plus de commande et vit uniquement de la base installée.

Dix ans plus tard, Alstom doit de nouveau trouver une solution pour assurer son avenir, après une décennie d'un marché qui n'est plus porteur et dans lequel sa propre technologie a été affaiblie. L'entreprise est confrontée à un choix cornélien : soit elle conserve une activité qui va finir par mettre en difficulté le groupe dans son ensemble, soit elle trouve une solution pour cette activité.

La seule solution qui est apparue réaliste sur le plan industriel pour reprendre cette activité dans son ensemble à cette époque était General Electric, leader du marché. Je tiens à rappeler que General Electric est le partenaire de Safran depuis plus cinquante ans. C'est l'entreprise qui a accepté la constitution d'une joint venture à 50-50 avec une entreprise française détenue par l'État capable de produire les moteurs civils et militaires.

Ainsi, pour Alstom, il n'était pas choquant de contacter General Electric, partenaire historique de la France et industriel reconnu dans le secteur, de reconnaître qu'elle n'était plus assez solide pour soutenir cette activité dans un marché en baisse, et demander à General Electric d'envisager la possibilité d'être le prochain actionnaire de cette activité.

J'ai effectivement été directeur général de la filiale de la Bank of America Merrill Lynch ; j'ai été sollicité par Alstom pour les accompagner dans la recherche de solutions et pour contacter General Electric et rejoint Schneider quelques semaines plus tard.

Enfin, vous n'êtes pas sans savoir qu'une turbine Arabelle est associée à la partie secondaire de nos centrales nucléaires. Nous sommes dans une phase finale d'acquisition et nous avons encore un certain nombre d'autorisations à obtenir afin que ces turbines rejoignent le groupe EDF. Cette acquisition nous permettra de disposer des technologies clés à la fois sur l'îlot nucléaire et sur l'îlot conventionnel. Pour autant, il ne me paraît pas pertinent pour EDF d'intégrer la totalité des technologies. En effet, nous avons besoin d'enrichissements technologiques par des entreprises qui ne sont pas exclusivement dans le nucléaire. Nous avons besoin de savoir-faire qui viennent d'autres industries pour nourrir nos propres savoir-faire.

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