Avant d'accepter des responsabilités ministérielles, j'ai travaillé dans le domaine associatif. L'une des ambitions que j'avais avec ma fondation était de faire le lien entre le discours scientifique et la décision politique. Je voulais que tout le monde se parle et que toutes les positions s'expriment, pour avoir la meilleure diffusion possible de l'information.
Ma fondation disposait d'un conseil scientifique regroupant des experts de nombreuses disciplines. Le Pacte écologique ou le Grenelle de l'environnement ont permis que les ministères, Matignon ou l'Élysée s'ouvrent à d'autres voix. Cet exercice est un moyen de se forger des convictions et de les mettre à l'épreuve. Les choix engagent sur le très long terme. Ils conditionnent le succès d'un modèle économique, influent sur la santé, voire désormais sur l'avenir de la planète. Compte tenu des enjeux, il ne doit pas y avoir une exclusivité d'expression, de réflexion ou de diagnostic.
Dans l'esprit de certains, l'écologie avait une signification idéologique ou politique, mais j'ai tenu à ce qu'elle donne lieu à un débat sociétal. Pour résoudre ces équations complexes et prendre des décisions, nous avions besoin de l'intelligence des uns et des autres. Je ne pensais pas que le sujet susciterait un tel clivage. Des avancées ont néanmoins été possibles et la situation continue à évoluer.
Au sein de ma fondation, nous avons toujours privilégié un esprit d'ouverture. M. Jean-Marc Jancovici, que vous avez auditionné, a fait partie de mon conseil scientifique pendant très longtemps. Je ne partageais pas la même vision que lui concernant la place du nucléaire dans le mix électrique. Cependant, nous avons fait preuve d'une forme d'intelligence de processus, en prenant acte de nos différences et en identifiant des points de convergence.
Nous avons besoin de points d'étape. Atteindre l'objectif de 50 % de nucléaire dans le mix électrique en était un : il nous aurait permis de faire la démonstration de la supériorité d'un scénario par rapport à l'autre, en montrant soit que nous pouvions progressivement nous passer du nucléaire, soit que nous ne le pouvions pas.
La contrainte climatique a redonné un peu de crédit, ou en tout cas de raison d'être, au nucléaire. Il n'est pas neutre s'agissant des émissions de gaz à effet de serre, car les matériaux fissiles ne sont pas acheminés par voie navigable. Toutefois, toute personne de bonne foi reconnaîtra qu'il est assez vertueux dans ce domaine. Il a, en revanche, d'autres conséquences. La question des déchets est philosophique, car nous donnons procuration aux générations futures pour les prendre en charge. Nous leur déléguons cette responsabilité sans qu'elles en soient informées. Une société qui se dit civilisée doit assumer ses propres responsabilités et être capable de contenir les risques liés à son activité dans le temps et dans l'espace. J'ai donc toujours été prudent et réservé concernant le nucléaire, tout en ayant conscience que nous ne pouvions pas nous en passer facilement. Nous devons faire la démonstration de ce qu'il est possible de faire. Malheureusement, la planification n'a pas véritablement opéré et n'a pas permis de se livrer à cet exercice. Il est peut-être encore temps de redresser la barre.