Dans les conditions de fonctionnement actuelles, les piscines de La Hague seront remplies avant la mise en service de la piscine d'entreposage centralisé, annoncée pour 2034. Ce remplissage est dû aux difficultés rencontrées par l'usine Orano Melox à la suite d'un changement de procédé dans la fabrication du combustible MOX. La production étant insuffisante pour alimenter l'ensemble des réacteurs de 900 mégawatts, EDF a dû « démoxer » des réacteurs et remplacer des recharges MOX par des recharges standard. L'IRSN a jugé que cela était faisable.
La fabrication d'un seul combustible MOX nécessite le retraitement de huit combustibles à l'uranium : si la production diminue, les piscines se désencombrent plus lentement. Orano a proposé deux types d'actions : tout d'abord, une densification des piscines de La Hague, qui consiste à entreposer davantage d'assemblages grâce à l'utilisation de paniers. Nous avons expertisé cette solution, qui soulève potentiellement des problèmes thermiques – plus d'assemblages signifie plus de chaleur – et de criticité. Elle n'a toutefois pas appelé de remarques majeures. Des essais de chutes de paniers ont été demandés, mais rien de rédhibitoire n'a été constaté. C'est la disposition qui sera appliquée en premier.
En parallèle, l'exploitant réfléchit à un stockage à sec dans des emballages de transport. L'IRSN, à la demande de la commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, a rendu un rapport scientifique et objectif sur ce sujet. Ce rapport a permis de faire évoluer le débat en France, où l'entreposage à sec était ignoré alors qu'il constitue une solution relativement répandue aux États-Unis.
Toutefois, ces solutions intermédiaires ne sauraient se substituer à la solution définitive, à savoir la piscine d'entreposage centralisé. Celle-ci doit être construite ; elle le sera aux standards les plus récents. Les piscines des réacteurs comme celles de La Hague ont été construites il y a longtemps et, l'accident de Fukushima l'a montré, un saut de sûreté est véritablement nécessaire. C'est pourquoi le projet de piscine d'entreposage centralisé intègre le retour d'expérience du 11 septembre et de l'accident de Fukushima. Cet objet durera une centaine d'années ; il pose donc des questions spécifiques.
Par ailleurs, il faut être volontaire dans la mise en place de ces dispositions car le scénario que je vous ai présenté est celui d'un fonctionnement normal. Or nous ne sommes jamais à l'abri d'un aléa qui pourrait accélérer le taux de remplissage des piscines. Il ne faut donc pas baisser la garde, qu'il s'agisse de la densification des piscines ou de l'entreposage à sec.