Au-delà de la relation à l'autorité de sûreté, il faut s'interroger sur la fabrique de la décision. Les conventions internationales sont très claires : tous les pays possédant des installations nucléaires doivent avoir une autorité de sûreté scientifique et technique. Celle-ci, pour délivrer des autorisations, doit s'appuyer sur une expertise technique au meilleur état de l'art.
Le schéma n'est pas partout le même et la manière dont l'expertise technique est réalisée peut varier d'un pays à l'autre. Ainsi, dans le système américain, la NRC (commission de régulation nucléaire) travaille avec des TSO composés de laboratoires nationaux et de sociétés privées, et la confrontation entre l'expert et le décideur est publique. Les États-Unis ont compté jusqu'à cinquante exploitants pour cent réacteurs, certains ne gérant qu'un seul réacteur : même si le secteur s'est concentré depuis, il est compréhensible que la réglementation américaine, compte tenu des enjeux de compétence technique, soit beaucoup plus normative qu'en France, où l'ingénierie d'EDF supervise cinquante réacteurs.
Autre spécificité américaine, l'autorité de sûreté doit justifier qu'elle réserve un traitement équitable à tous les exploitants. C'est très complexe car elle doit appliquer le même jugement technique à des réacteurs de nature différente. C'est un sujet redoutable – particulièrement aux États-Unis, où les avocats sont légion –, que nous pourrions être amenés à connaître.
Il faut également être attentif aux spécificités historiques des pays. Ainsi, le positionnement de la direction des équipements sous pression nucléaires à l'ASN est clairement un produit de l'histoire car lorsque le contrôle nucléaire a débuté, le service des mines était très compétent en matière d'équipements sous pression. Aujourd'hui, si l'on devait repartir de zéro, cette direction serait confiée à l'IRSN.
L'AIEA a publié un document expliquant ce qu'est un TSO et ce que signifie son indépendance. Il répertorie également les différentes autorités en précisant si elles ont un TSO interne ou externe. Ce qu'il faut en retenir, c'est qu'il n'y a pas de modèle unique.
Outre la réalisation d'expertises, un TSO est chargé de conserver la mémoire des installations ; c'est une dimension importante. L'IRSN le fait depuis le début. Au Royaume-Uni, où le TSO est un cabinet d'ingénierie privé, l'équipe en place est reprise par le nouveau prestataire lorsque l'autorité de sûreté change de société dans le cadre d'un appel d'offres, afin d'assurer cette mission.