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Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du jeudi 16 février 2023 à 15h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'IRSN :

Nos experts ont suivi des formations scientifiques et techniques, et ils partagent une certaine approche de la sûreté.

Il est exact que dans le domaine des industries à risque et de la sûreté nucléaire, les points de vue décalés sont très importants.

C'est d'ailleurs d'une certaine manière ce qui est recherché avec le principe de séparation entre l'expert et le décideur : on a deux points de vue sur le même sujet. Cela va dans le sens de la sûreté. Plus on est obligé de s'interroger, mieux c'est.

L'IRSN entretient des relations régulières avec des experts non institutionnels. Nous leur présentons nos avis, comme dans le cadre des dialogues techniques que j'ai évoqués précédemment. Nous ne considérons pas que nous avons la science infuse. Être interpellés par des tiers nous oblige à rester vigilants. C'est un point essentiel.

Nous sommes disposés à accroître ces relations. Lorsque nous rédigeons un avis technique, nous y croyons et sommes prêts à le défendre devant n'importe qui.

Cela renvoie à une caractéristique du système français, qui fait sa force mais aussi peut-être un peu sa faiblesse. Notre système est très centralisé. Il y a peu d'acteurs. Nous avons un producteur principal d'électricité, qui dispose de beaucoup de retours d'expérience grâce à 2 000 années d'exploitation cumulées sur ses réacteurs. Il y a également un organisme de recherche – le CEA –, qui centralise l'essentiel de la recherche sur les rayonnements ionisants. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) développe un peu ses travaux sur le sujet, notamment à travers le programme NEEDS (nucléaire, énergie, environnement, déchets, société). Enfin, il y a une autorité de sûreté et un institut d'expertise technique.

Les universités françaises travaillent très peu sur ces sujets. Aux États-Unis, certaines universités ont des départements de science et d'ingénierie en matière nucléaire, avec des experts qui ne sont pas forcément « formatés ». On y trouve des universitaires qui travaillent sur des sujets que seul le CEA étudie en France. Nous ne connaissons pas cette ouverture, du fait de la concentration des experts dans un très petit nombre d'organismes.

C'est la raison pour laquelle l'IRSN échange avec des experts non institutionnels dans les domaines qui les concernent.

Il faut aussi confronter les expertises dans le cadre de relations internationales, car les démarches sont différentes selon les pays. C'est l'un des objectifs du réseau des organismes techniques de sûreté européens (European Technical Safety Organisation Network – Etson), afin de travailler à une harmonisation bottom up. Les industriels pourraient aussi s'engager vers une harmonisation – même si cela ne marche pas toujours très bien. S'agissant du programme EPR, ils ont développé leurs propres spécificités à partir du modèle d'origine. Cette harmonisation est recherchée dans le cadre du programme Nuward.

Les autorités de contrôle travaillent à une harmonisation. Partager des niveaux de référence est l'une des tâches effectuées par l'association des autorités de sûreté nucléaire des pays d'Europe de l'Ouest (Western European Nuclear Regulators Association – Wenra) et par l'association européenne des responsables des autorités compétentes en radioprotection (Heads of European Radiological Protection Competent Authorities – Herca). Il faut compléter cette démarche par une harmonisation plus technique, animée par des organismes du même type que l'IRSN. Cela permettra de regarder de très près la manière dont les évaluations de sûreté sont réalisées.

Le dialogue à l'échelle internationale est un instrument important d'ouverture et de croisement d'expériences.

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