La commission n'est pas seulement saisie pour avis : les installations nucléaires relèvent de sa compétence ; la politique énergétique revient plutôt à la commission des affaires économiques – ce découpage entraîne d'ailleurs quelques difficultés.
La commission d'enquête avait relevé que les parlementaires étaient difficilement associés au fonctionnement du système nucléaire. D'abord, il n'est pas facile pour le monde nucléaire de leur ouvrir son fonctionnement. Même si les membres de la commission d'enquête ont été bien reçus, pour beaucoup, le nucléaire est une question de spécialistes. Il était donc entendu que les parlementaires ne pouvaient se substituer aux techniciens car ils risquaient de faire des bêtises.
La commission d'enquête portait tant sur la sûreté des installations nucléaires, c'est-à-dire la gestion de leur fonctionnement et leur résistance aux aléas naturels tels qu'une inondation ou un tremblement de terre, que sur leur sécurité, qui englobe la manière dont un site réagit à des agressions extérieures – terrorisme, pénétration d'un drone, cybercriminalité.
Pour les questions de sûreté, elle a eu accès à tous les éléments, dont les nombreux rapports de l'ASN. Sur le volet de la sécurité, en revanche, elle s'est vu opposer le secret-défense à de très nombreuses reprises, celui-ci étant à géométrie variable puisque c'est l'opérateur qui en décide. EDF a par exemple refusé de lui laisser consulter les plans des piscines d'entreposage de combustibles usés dans les centrales, quand Orano a mis à disposition ceux du site particulièrement sensible de La Hague. Les deux entreprises décidaient de ce que les parlementaires avaient le droit de voir, ce qui est choquant : les représentants du peuple doivent pouvoir accéder à ces informations.
C'est pourquoi la commission d'enquête avait recommandé de créer une délégation parlementaire au nucléaire sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement. On peut comprendre que des éléments secret-défense ne soient pas exposés sur la place publique, surtout lorsqu'ils concernent la sécurité des installations nucléaires, mais il est essentiel qu'une délégation de parlementaires soit habilitée à en connaître, effectue des vérifications et en informe les autres parlementaires.
Je regrette beaucoup que la recommandation n'ait pas été suivie d'effet. En tant que parlementaire, je suis gênée de ne pas savoir ce que contient le budget de la sécurité nucléaire de mon pays, lorsque je le vote.
À titre d'exemple, lorsque j'ai demandé si des missiles pouvaient transpercer les murs des bâtiments des piscines proches des réacteurs, on m'a répondu que tout allait bien, que des expériences avaient été faites et qu'il fallait faire confiance. Mon rôle n'est pas de faire confiance : il est de contrôler et de vérifier. Or je n'en ai pas les moyens aujourd'hui. Aussi, monsieur le rapporteur, si vous choisissez de relancer l'idée d'une délégation parlementaire au nucléaire, je vous appuierai fortement.