Aujourd'hui, nos auditions doivent éclairer la commission d'enquête sur le contexte politique, en lien avec l'assassinat d'un préfet de la République. Avez-vous, durant les trois années que vous avez passées au ministère de la Justice, été interpellée par des membres de l'administration, de ce ministère ou des responsables politiques sur la question de la détention d'Yvan Colonna ? Vous avez évoqué des réunions, mais je pense particulièrement à ce qui se passe hors agenda. Des interventions directes ou indirectes, politiques ou autres, ont-elles eu pour objet de s'occuper précisément de la détention d'Yvan Colonna, afin qu'un traitement particulier lui soit réservé ? Chacun est unique, l'individualisation de la peine et la personnalisation du suivi le rappellent. Mais était-il un détenu « comme les autres » ?
Lorsque l'on compare le parcours des deux protagonistes de ce drame, des questions se posent. Des condamnations seront éventuellement prononcées. Vous l'avez rappelé : l'État est censé assurer la sécurité des personnes en détention. Or une faute administrative a conduit au décès d'un détenu. Malheureusement, comme l'ont souligné les représentants des personnels de l'administration pénitentiaire et comme vous le savez en tant qu'ancienne garde des Sceaux, un tel acte n'est pas isolé. S'agissant de la condamnation pénale, une instruction est en cours et notre commission n'a évidemment pas à se prononcer.
Notre commission a également pour objectif de contribuer à l'amélioration du système. À la lumière de votre expérience ministérielle, que pouvez-vous nous dire sur les moyens du renseignement pénitentiaire, dont l'histoire est encore récente en France ? Quelles actions avez-vous menées pour contribuer à son renforcement, et notamment améliorer le suivi des détenus radicalisés ?
Nombre de détenus sont en effet reconnus comme radicalisés et, à ce titre, potentiellement très dangereux, ce qui est le cas de M. Elong Abé. Le monde de la détention est d'une violence sourde. Nous avons été choqués hier par le témoignage d'un des représentants des personnels de l'administration pénitentiaire, qui nous a relaté un fait divers récent qui n'a pas fait grand bruit : un détenu a été assassiné par un autre détenu dans des conditions particulièrement barbares. Lorsque vous étiez ministre de la Justice, quelles décisions avez-vous prises pour juguler cette montée en puissance de la violence, qui semble intrinsèquement liée, selon les professionnels du secteur, avec l'augmentation des cas psychiatriques en détention, relevant peut-être davantage d'autres modes de suivi que la détention classique ?