Lorsque nous avons rendu visite à Yvan Colonna, un certain nombre d'événements s'étaient déroulés au préalable. Une rencontre avait eu lieu entre le Président de la République Emmanuel Macron et le président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni pour évoquer la situation en Corse. Le préfet Robine nous avait fait part de plusieurs décisions prises lors de cette rencontre : l'ouverture de discussions sur l'autonomie ; l'accord du gouvernement de financer à hauteur de 50 millions d'euros l'amende dont la collectivité de Corse avait été sanctionnée dans le dossier Corsica Ferries ; et l'accord du Président de la République en faveur du rapprochement du commando après les élections. Enfin, il avait été indiqué que le préfet Robine retournerait en Corse. Lorsque nous avons rencontré Yvan Colonna, qui s'intéressait beaucoup à l'évolution de la situation politique en Corse, nous lui avons fait part de ces éléments et de l'état d'avancement des discussions. Après lui avoir dit que les membres du commando pourraient éventuellement rentrer en Corse après les élections, il m'avait posé très simplement la question : « Est-ce que tu y crois ? ». Je lui ai répondu que je n'avais pas de raison d'y croire ou de ne pas y croire, mais que je lui rapportais ce qui avait été dit.
Je reviens à la question du CNE. Lorsque nous sommes arrivés à la maison centrale, nous avons été accueillis par la directrice adjointe, qui nous a demandé d'essayer de le convaincre d'aller au CNE. D'une part, constatant que les deux autres membres du commando étaient passés par le CNE, en vain, Yvan Colonna estimait que cela ne servirait à rien. D'autre part, alors qu'il lui aurait été demandé de reconnaître et d'assumer sa culpabilité, il rappelait que cela faisait 25 ans qu'il répétait ne pas avoir tué le préfet Érignac. Il nous avait laissé entendre qu'il était convaincu qu'il ne sortirait pas de prison. Ce qu'il demandait, c'était d'être incarcéré à Borgo, pour pouvoir voir ses deux fils. À la maison centrale, il ne se sentait pas menacé. Lorsque nous avons interrogé les gardiens de prison, dont les propos ont été confirmés par la directrice adjointe, ils nous ont répondu qu'il ne posait pas de difficultés particulières, qu'il s'agissait d'un détenu très sportif qui faisait beaucoup de cardio et arrivait souvent en tête des compétitions organisées.
Quand nous évoquions la question du rapprochement du commando avec nos interlocuteurs à Matignon ou avec les différents ministres concernés, il nous était indiqué qu'ils rentreraient sur l'île après les élections. La raison invoquée était que la prison de Borgo ne pouvait pas accueillir de DPS et qu'il fallait y effectuer des travaux pour sécuriser l'établissement et permettre le retour du commando. D'après les informations que nous avons obtenues, les travaux, d'un montant de 150 000 euros environ, étaient effectivement en cours de réalisation depuis le mois de janvier.
Nous avons donc demandé pourquoi leur statut de DPS n'était pas levé. L'inscription ou la radiation du répertoire DPS est décidée par le ministre ou, par délégation, par le directeur de l'administration pénitentiaire, après passage du détenu devant une commission qui donne un avis au niveau local. Or, en 2021, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi ne sont pas passés devant cette commission, puisqu'elle n'a pas été réunie. Les avocats ont donc considéré que le statut de DPS devait tomber. En catastrophe, l'administration a organisé une commission au titre de l'année 2021, mais en 2022. Le Premier ministre Jean Castex, interrogé dans l'hémicycle, avait indiqué qu'il suivrait l'avis de la commission. Or, alors qu'elle avait donné pendant deux ans un avis favorable à la levée du statut de DPS de MM. Alessandri et Ferrandi, cette année-là, en 2022, la commission a rendu un avis défavorable, pour des raisons qui nous échappent.
Lorsque nous avons vu Yvan Colonna, il savait qu'il allait passer un temps long en prison et qu'il ne sortirait peut-être jamais. En tout cas, il s'y était préparé psychologiquement. Il demandait seulement à être transféré à Borgo pour pouvoir voir sa famille.