La convocation qui nous a été adressée comporte un sous-entendu évident : l'enquête porte sur un « assassinat », ce qui suppose la préméditation. Les questions sont donc orientées en ce sens. Le rapport met en exergue un enchaînement de dysfonctionnements qui peuvent laisser penser qu'il n'y a pas de hasard. Or en vertu du principe du rasoir d'Occam, la solution la plus simple est souvent la meilleure. On peut aussi considérer que cet ensemble de dysfonctionnements a mené à la situation qui nous occupe sans que cela résulte d'une volonté quelconque à l'origine – contrairement à ce que laisse penser le terme d'« assassinat ». Si tel avait été le cas, il aurait été possible de traiter le problème plus facilement sans risquer d'occasionner une éventuelle mise en cause globale de l'institution. S'il s'était vraiment agi d'un calcul et d'un règlement politiques, d'autres méthodes étaient envisageables, mais pas ce qui s'est passé, qui justement met en cause l'institution dans son ensemble.
Il était évident que compte tenu de son profil, l'agresseur était toujours susceptible d'un passage à l'acte. Je n'ai pas d'élément à ce sujet, mais il s'apparente à un profil de psychopathe. Après avoir reçu ma convocation, j'ai effectué des recherches et découvert le cas d'un détenu de 25 ans tué par un codétenu dans un quartier de semi-liberté, lieu où en principe il n'y a pas de problèmes particuliers. Il faut accepter que certains hasards puissent avoir des conséquences démultipliées – comme dans la série Destination finale. Il n'y a pas d'éléments objectifs pour étayer la piste évoquée, qui serait une piste dangereuse car elle supposerait l'implication de certains personnels pénitentiaires, y compris éventuellement le surveillant qui s'est absenté. Si l'on met en cause la probité des personnels pénitentiaires, plus personne ne voudra s'occuper de ces détenus les plus dangereux.