Je souhaite poser une question à M. Forner. Après la survenance du drame, au cours d'une première audition libre de l'ancienne directrice de la maison centrale et alors qu'elle n'était pas sous serment, celle-ci a omis de dire un certain nombre de choses à la représentation nationale. C'est important. Un responsable administratif a prétendu qu'il n'y avait pas eu d'incidents avec Franck Elong Abé. Finalement, nous apprenons que tel n'était pas le cas et que les incidents étaient multiples.
L'une des dimensions de cette affaire a trait à la politique globale mise en œuvre dans le cadre d'un service public – et vous êtes des agents de service public. Il y a également une dimension humaine, avec les conditions de travail et de détention. Notre mission consiste aussi à faire des préconisations d'ordre général. Or je comprends que la situation globale est assez inquiétante à cet égard.
Mais il y a aussi une dimension politique locale ayant trait à l'histoire de notre territoire depuis plusieurs années. Nous avons commémoré le vingt-cinquième anniversaire de l'assassinat d'un préfet de la République dans les rues d'Ajaccio, point de départ de cette histoire. S'en sont ensuivies l'arrestation d'un commando et la condamnation, en plusieurs temps, de ses membres, à des peines variables, le dernier arrêté et condamné étant Yvan Colonna, qui a trouvé la mort à la suite de l'agression dont il a été victime. La Corse a traîné cet acte depuis vingt-cinq ans, et cela a été très difficile. La gestion des membres de ce commando – dont celle d'Yvan Colonna – nous interroge : sur les remises de peine, la levée du statut de DPS – qui est un acte administratif et non judiciaire. Le sentiment que beaucoup de gens ont chez nous – voire ailleurs –, est qu'aucun cadeau n'a été fait quant aux conditions de détention, s'agissant pourtant de détenus qui ne posaient aucun problème. Dans le même temps, on s'aperçoit que des détenus qui posent d'autres problèmes, notamment quant à leur dangerosité – y compris dans la perspective de leur sortie –, ont parfois bénéficié d'accommodements.
Ma question sera franche et directe. Elle est importante, car chez moi, des milliers de personnes doutent, pensent que cela a été voulu. Il est très grave que des gens puissent le penser. Je ne sais pas si vous avez envie de me répondre, mais depuis que l'on a commencé les auditions, nous avons été confrontés à des personnes tenues à une certaine forme de raideur. Nous avons auditionné avant vous les représentants de l'encadrement, les personnels de direction, dont l'approche s'est limitée au corporatisme, à la défense de la directrice et du corps de direction – ce qui est normal. Certaines personnalités éminentes se sont parfois permises de reprendre les propos du président Acquaviva, qui est un responsable engagé et qui dit ce qu'il pense. Voilà ce que je souhaiterais savoir : compte tenu de votre expérience et de votre connaissance de cette affaire, peut-on selon vous accorder du crédit à la thèse selon laquelle « c'était voulu » ?