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Intervention de Emmanuel Chambaud

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 14h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Emmanuel Chambaud, secrétaire général de l'Union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP-UNSa Justice) :

En réaction aux propos de M. Marcangeli, qui a estimé que l'administration aurait dû tenir compte du « CV » de M. Elong Abé : cette dernière n'a que faire du CV des détenus. Une agression terrible a eu lieu à Borgo en 2018, où deux collègues ont failli mourir sous les coups d'un fou furieux, M. Akaouch. J'étais présent au tribunal de Bastia en 2021 quand il a été condamné. Ce détenu a été transféré dans mon établissement d'affectation où il a été mis à l'isolement pour être géré de manière « équipée », selon notre expression, c'est-à-dire par des agents équipés à l'instar des CRS, avec des boucliers et des casques, compte tenu de sa dangerosité. Puis l'administration pénitentiaire a oublié les actes qu'il avait commis. Par conséquent, les quatre agents qui initialement ouvraient sa porte n'étaient plus que deux après un certain temps, mais le détenu, lui, est le même. Nous risquons d'avoir les mêmes difficultés avec lui à l'avenir. L'administration prétendra qu'il a changé. Ce type de détenus feint d'être calme, mais rien ne change. C'est pourquoi nous parlons d'établissements spécialisés pour ces gens-là. Certains détenus ne peuvent pas être réinsérés. D'ailleurs, certains ne le souhaitent pas.

Quant aux personnes présentant des troubles psychiatriques qui sont déversées dans nos institutions sans que notre personnel soit formé pour les identifier ou les prendre en charge, c'est en effet compliqué. D'une part, nous ne sommes pas des infirmiers psychiatriques et, d'autre part, au regard de la surpopulation carcérale, il est difficile de distinguer un fou parmi 200 autres. Très peu d'établissements sont en mesure de les prendre en charge. Les UHSA ont été créées, mais montrent leurs limites. Il existe en France un unique établissement, à Château-Thierry, qui accueille des détenus avec des troubles psychiatriques, ce qui est bien insuffisant.

Il existe des services médicaux psychiatriques régionaux (SMPR) au sein des établissements. Les SMPR sont assimilables à des hôpitaux à l'intérieur des prisons, avec une aile dédiée où sont placés ces détenus, mais c'est tout à fait insuffisant. Il faut développer des unités spécifiques pour les détenus présentant des troubles psychiatriques, mais également pour les détenus radicalisés. Je suis rentré dans l'administration pénitentiaire en 1995, au lendemain de l'attentat du RER Saint-Michel. Les têtes pensantes et les artificiers de ce massacre étaient détenus à Fleury-Mérogis. À l'époque, on ne se posait pas la question : ces personnes n'étaient pas placées en détention classique, elles étaient isolées du reste de la population pénale du fait de leur dangerosité.

Quant au détenu classé au service général, il faut rappeler que d'après les textes, n'importe quel détenu peut en effet travailler en prison. Cependant, en fonction de la dangerosité du détenu, l'administration peut s'opposer au classement. Au regard des éléments disponibles, elle aurait dû le faire. Le service général est ce qui permet à un détenu de se déplacer le plus librement possible dans une prison. Franck Elong Abé n'aurait jamais dû être classé au regard des éléments objectifs. Cela relève de la responsabilité de la haute hiérarchie, pas du surveillant.

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