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Intervention de Léo Walter

Réunion du mercredi 1er mars 2023 à 16h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLéo Walter :

Je tiens tout d'abord à vous assurer de notre soutien, madame la ministre, face aux tentatives d'intimidation du désormais ex-président de la Fédération française de football (FFF), honteusement recasé, sitôt sa démission annoncée, à la direction parisienne de la Fédération internationale de football association (Fifa). Comme vous, nous trouvons cela affligeant, et le mot est faible.

Passons maintenant aux sujets qui fâchent. Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui pose un grave problème de périmètre.

Périmètre ministériel, tout d'abord, car le texte est loin de concerner uniquement les Jeux olympiques et paralympiques. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le Conseil d'État qui, dans son avis du 15 décembre dernier, demandait même de modifier le titre du texte – ce qui a été fait – et de le renommer « projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ». Diverses, mais pas des moindres ! Le chapitre III, en particulier, ressemble à s'y méprendre à une tentative de faire revenir plus ou moins discrètement des mesures retoquées lors de l'examen de la Lopmi ou de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés. C'est pourquoi je vous dis à nouveau notre regret de ne pas voir à vos côtés le ministre de l'Intérieur, qui est pour nous le véritable responsable de ce projet de loi.

Périmètre d'application, ensuite. Le Conseil d'État souligne que onze des dix-neuf articles initiaux du projet de loi « créent des dispositions nouvelles ou modifient des dispositions existantes de façon pérenne et seront donc susceptibles de s'appliquer à d'autres situations ». Il note encore que « nombre de ces mesures ont un caractère permanent et sont conçues pour s'appliquer y compris en dehors de la période des Jeux olympiques et paralympiques ».

Lors de votre présentation comme lors de nos échanges au ministère, vous avez tenté de nous rassurer en nous disant qu'après le fiasco du Stade de France, les Français avaient besoin de sécurité, en nous assurant que tous les garde-fous étaient prévus pour limiter l'atteinte aux libertés fondamentales, et en soulignant le caractère provisoire et expérimental des mesures annoncées. Toutefois, nous ne sommes pas rassurés. Tout le monde se souvient de 1998, année joyeuse pour le sport français : la France organisait la Coupe du monde de football et l'équipe de France masculine gagnait sa première étoile. Je vivais alors à Marseille. Au prétexte de cet événement sportif d'ampleur, un arrêté de fermeture anticipée des bars, des lieux culturels et des établissements nocturnes a été publié. Dans la liesse du moment, personne n'a rien dit, mais quand la Coupe est partie, les interdictions sont restées – c'est encore le cas vingt-cinq ans plus tard. Nous savons ce qu'il advient des dispositions provisoires et expérimentales.

De nombreux articles de ce projet de loi impliquent un basculement majeur de nos politiques de sécurité et mériteraient de figurer ailleurs que dans un texte consacré aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. La palme revient à l'article 7 – je n'ose y voir une obsession gouvernementale pour ce chiffre ! Le développement de la vidéosurveillance algorithmique est une ligne rouge, tant pour nous que pour la Quadrature du Net, la Ligue des droits de l'homme, Amnesty International, le Conseil national des barreaux, les organisations de supporters et bien d'autres encore. Ces dispositions sont d'autant plus absurdes et dangereuses que la Cour des comptes elle-même notait, en 2020, qu'« aucune corrélation globale n'a été relevée entre l'existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d'élucidation », et que les conclusions d'une récente étude réalisée par la gendarmerie nationale en Isère vont dans le même sens. La vidéosurveillance n'entraîne aucune baisse de la délinquance, qui se déplace simplement en dehors des espaces couverts par ce dispositif. Je souligne en outre le taux mirobolant de 1 % d'enquêtes résolues par ce biais – sans compter que, comme dirait l'autre, cela coûte « un pognon de dingue », une manne qui, comme toujours, sera captée par les opérateurs privés.

Nous défendrons donc de nombreux amendements ayant tous le même but : garantir le respect des libertés fondamentales, socle du pacte républicain, que ce soient celles des athlètes ou celles de nos concitoyens. Vidéosurveillance automatisée, délégation de la gestion des données à des entreprises privées, méthodes extensives et intrusives de maintien de l'ordre, aggravation des peines pouvant toucher les supporters et les militants : tout y est. Le Gouvernement nous avait fait le coup en 2017, avec le passage des mesures de l'état d'urgence dans le droit commun : voilà qu'il recommence. Nous ne le laisserons pas faire.

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