J'en suis convaincu, l'accueil des Jeux de la XXXIIIe olympiade par la France est une chance. Ces Jeux seront l'occasion de faire rayonner notre pays et de vivre des moments d'émotion collective, de cohésion nationale voire de fraternité et de rapprochement entre les peuples en ces heures de fractures internationales et de tensions guerrières. Mais accueillir le monde entier autour des valeurs de l'olympisme n'est pas neutre ; cela constitue même un défi de taille, d'autant qu'au-delà de la quête d'un tableau de médailles, cet événement est d'une ampleur exceptionnelle.
Exceptionnelle par ses chiffres : 32 sports, 329 épreuves à organiser sur 37 sites olympiques, 63 collectivités hôtes mobilisées, plus de 40 000 bénévoles, 13,5 millions de spectateurs attendus, 20 000 journalistes accrédités, plus de 4 milliards de téléspectateurs à travers le monde. Exceptionnelle aussi par son ambition : nous voulons des Jeux mixtes, décarbonés, un fleuve assaini, une accessibilité optimisée et des coûts maîtrisés. Autant d'éléments qui imposent que le Parlement adapte la loi, comme il l'a déjà fait en 2018, pour préparer cet événement le plus efficacement et le plus en amont possible.
La commission des lois a délégué à la commission des affaires culturelles l'examen au fond de l'ensemble du chapitre II relatif aux mesures visant à renforcer la lutte contre le dopage. Ce chapitre comporte trois articles : alors que les articles 4 et 5 figuraient dans le projet de loi déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat, l'article 4 bis a été introduit lors des débats en séance publique au Sénat. Ce nouvel article prévoit une réciprocité dans l'échange d'informations entre l'AFLD et Tracfin, la cellule nationale de renseignement financier. Jusqu'à présent, seule l'AFLD était autorisée à communiquer avec Tracfin ; or les deux instances ont fait valoir la nécessité d'une réciprocité dans un souci d'efficacité des enquêtes. À mon sens, l'introduction de cet article était donc nécessaire.
Le chapitre II a pour objet de promouvoir un sport sans dopage et de conformer notre droit aux conventions internationales dont la France est signataire. L'article 4, notamment, introduit dans le code du sport la possibilité pour l'AFLD de recourir à des analyses génétiques, dans des cas limitativement énumérés, afin de déceler les fraudes qui ne peuvent l'être d'aucune autre façon. Compte tenu des débats ayant eu lieu au Sénat et des auditions que j'ai conduites, il me semble que ce dispositif a été entouré de toutes les garanties nécessaires pour ne pas heurter notre droit et nos lois bioéthiques, préservant l'équilibre entre le respect de l'intégrité des personnes et la protection de la santé et de l'ordre public.
Dans le projet de loi initial, ces tests devaient être permis pour le seul temps des Jeux, mais le Sénat a peu à peu fait évoluer le texte : après avoir prévu une phase d'expérimentation pour certains tests, nos collègues sénateurs ont finalement choisi d'inscrire cette disposition de manière pérenne dans notre corpus juridique. Cette évolution est de nature à satisfaire l'ensemble des acteurs. En tant qu'ancien rapporteur sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l'efficacité de la lutte contre le dopage, que nous avions examiné en 2020, je ne peux que me féliciter que le droit français soit enfin conforme aux règles internationales.
Néanmoins, des questions demeurent. Ainsi, le texte prévoit que les conditions et les modalités de réalisation des analyses génétiques seront définies dans un décret en Conseil d'État. Le Gouvernement sera-t-il en mesure de publier ce décret avant les « test events » prévus dès l'été 2023 et la Coupe de monde du rugby organisée à l'automne prochain ? Il me paraît essentiel de tenir ces délais : nous ne pouvons demeurer plus longtemps le seul pays au monde à ne pas se conformer aux règles internationales !
Le laboratoire de l'AFLD doit déménager au printemps prochain pour rejoindre le plateau de Saclay. Pour les raisons évoquées précédemment, il faut qu'il soit opérationnel avant l'été, mais il semble qu'il n'ait pas encore été accrédité par l'Agence mondiale antidopage. Or les procédures d'accréditation sont longues, et il ne faudrait pas que le laboratoire soit privé de sa compétence pour des raisons administratives. Où en est ce processus ? Existe-t-il un risque réel et sérieux que le laboratoire ne soit finalement pas accrédité ?
Le texte ne fait aucune mention des règles relatives au dopage animal. Les services du ministère m'ont indiqué que le cadre des contrôles et des analyses était fixé à un niveau supranational et qu'il n'était donc pas nécessaire de modifier le cadre législatif pendant les Jeux. C'est la Fédération équestre internationale qui définit le protocole ainsi que le programme antidopage. La France dispose d'un des cinq laboratoires accrédités dans le monde pour conduire des tests. Le Laboratoire des courses hippiques situé à Verrières-le-Buisson, dans l'Essonne, sera-t-il, le temps des Jeux, habilité à réaliser ces tests ?
En application du principe de spécialité, il était nécessaire d'étendre le dispositif de lutte contre le dopage de l'article 4 à la Polynésie française, où se dérouleront les épreuves de surf. Tel est l'objet de l'article 5, qui a été profondément modifié par le Sénat. L'homologation des peines de prison prévues dans les lois du pays, qui figurait à l'alinéa 1er, a été supprimée au bénéfice de l'introduction de mesures relatives aux pouvoirs d'enquête de l'AFLD dans ce territoire. Or la suppression de l'alinéa relatif à l'homologation des peines risque de créer un vide juridique si la collectivité n'adopte pas de nouvelles dispositions, en cours de préparation, en matière de lutte contre le dopage d'ici au début des Jeux. Par ailleurs, quel sera le laboratoire compétent pour procéder aux tests en Polynésie française ?