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Intervention de Amélie Oudéa-Castéra

Réunion du mercredi 1er mars 2023 à 16h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques :

Dans 513 jours exactement, la France retrouvera les Jeux d'été, pour la première fois depuis un siècle, et accueillera les Jeux paralympiques, pour la première fois de son histoire. Réussir les Jeux implique de réunir un quatuor d'exigences : délivrer l'organisation la plus irréprochable possible ; préparer nos athlètes à donner leur meilleure performance ; concevoir une vraie fête populaire pour l'ensemble des Français dans tous les territoires ; léguer à notre pays un héritage utile et durable. Au titre de la dimension immatérielle de l'héritage dont a parlé le président Houlié, je souhaite, pour ma part, inscrire l'enjeu que notre pays devienne une nation sportive plutôt qu'une nation de sportifs. À cet égard, en 2024, la promotion de l'activité physique et sportive sera désignée grande cause nationale.

J'en viens aux objectifs du projet de loi. En premier lieu, il s'agit d'assurer aux athlètes et à la famille olympique une offre de soins adaptée. Une polyclinique installée au sein du village olympique et paralympique permettra une prise en charge dans un cadre simplifié, avec un contrôle par l'agence régionale de santé d'Île-de-France et sans charge supplémentaire pour les hôpitaux. Les professionnels de santé étrangers seront également mobilisés et collaboreront avec les fédérations internationales et les délégations des différents comités nationaux olympiques : ils seront autorisés à exercer en France le temps des Jeux. Un autre objectif en matière sanitaire est d'améliorer la formation aux premiers secours, en élargissant au-delà de la sécurité civile le champ des organismes habilités à la dispenser.

En deuxième lieu, dans la continuité de l'action de mes prédécesseurs Marie-George Buffet et Jean-François Lamour, notre pays doit rester à l'avant-garde de la lutte antidopage. Le dispositif en sera renforcé et, conformément à la convention de l'Unesco que nous avons ratifiée en 2007, nous devons prévoir l'application des règles antidopage dans l'ensemble du territoire français, y compris en Polynésie française où se dérouleront les épreuves de surf. Il nous faut également ouvrir la possibilité de procéder à des analyses génétiques, afin de détecter les fraudes qui ne pourraient l'être d'aucune autre façon. Il s'agit d'éviter qu'une faille ne décrédibilise notre édifice tout entier. Le dispositif proposé est, bien évidemment, assorti de garanties de nature à concilier les impératifs de l'intégrité sportive avec le respect plein et entier des droits des athlètes.

En troisième lieu, nous partageons avec le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin le souci d'assurer la protection de toutes les populations. En toute lucidité, nous savons que la réussite des Jeux tient à une indispensable sécurisation de tous les aspects : sécurité des enceintes sportives, des cérémonies d'ouverture, de clôture et de relais de la flamme, préservation de l'ordre public, prévention de la délinquance aux abords de tous les sites, gestion efficace des flux de personnes, depuis leur arrivée sur le territoire jusqu'aux métros, bus et RER. Nous serons également présents et efficaces sur d'autres aspects essentiels, tels que la cybersécurité ou la lutte anti-drones.

Par ce projet de loi, nous souhaitons renforcer nos moyens pour détecter plus rapidement et plus facilement les risques les plus graves d'atteinte à la sécurité des personnes, grâce à la vidéoprotection qui permet de repérer des mouvements de foule, des colis suspects, des goulets d'étranglement dans les transports. Nous souhaitons aussi améliorer et fluidifier le contrôle à l'entrée des sites de compétition et de célébration par des mesures adaptées de criblage et l'utilisation des scanners corporels. Nous entendons également mieux coordonner les équipes mobilisées pour la sécurité dans les transports, au sein du centre de commandement opérationnel et de sécurité (CCOS) de la préfecture de police, et garantir la possibilité d'avoir, pendant la durée des Jeux, une unité de commandement des forces de sécurité, sous la houlette du préfet de police.

Certains dispositifs, comme le traitement par algorithme d'images issues de la vidéoprotection ou des drones, soulèvent des interrogations. Rappelons que de très nombreuses garanties sont prévues dans le cadre de ce qui n'est qu'une expérimentation, qui permettront à la fois de pourvoir à la sécurité tout en préservant les droits et libertés de nos concitoyens, en parfaite conformité avec le droit européen, notamment de la protection des données.

Je souligne également que nous avons suivi à la lettre des recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), et défini une ligne claire : nous ne voulons pas de la reconnaissance faciale, ni de l'utilisation de données et de systèmes d'identification biométrique pour ces Jeux. Non seulement ces procédés ne nous semblent pas nécessaires sur le plan opérationnel, mais, surtout, les autres dispositifs prévus permettront, à eux seuls, un saut qualitatif en matière de prévention et de lutte contre les troubles à l'ordre public.

Le président Houlié a évoqué la nécessité de passer la vitesse supérieure dans la prévention des incidents dans les stades et la lutte contre toutes les incivilités qui s'y expriment encore trop souvent. Il s'agit de tirer les enseignements des événements survenus au Stade de France en mai dernier et au stade Geoffroy-Guichard, mais surtout d'assurer une véritable bulle de sécurité au sein des enceintes sportives et d'éviter l'importation sur nos terrains de sport de conflits géopolitiques. À cette fin, les sanctions individuelles prononcées par le juge judiciaire en cas d'entrée par force ou par fraude dans une enceinte sportive, ou bien en cas d'intrusion sans motif légitime sur l'aire de compétition, seront renforcées. Il vous est également proposé de rendre systématiques et plus efficaces les interdictions judiciaires de stade pour les infractions pénales les plus graves, comme le jet de projectiles, l'introduction d'objets susceptibles de constituer une arme, ou encore la provocation à la haine, à la violence et l'incitation à la discrimination.

En quatrième lieu, nous entendons, cette fois avec le ministre délégué chargé des transports Clément Beaune, développer l'accessibilité aux transports des personnes en situation de handicap. En la matière, notre pays accuse un retard, or les besoins importants réclament d'accélérer la marche. Pour être au rendez-vous, il est indispensable d'accroître en Île-de-France le nombre de taxis adaptés aux utilisateurs de fauteuil roulant de 250 à plus de 1 000 à l'horizon des Jeux. À cette fin, nous solliciterons, à titre expérimental, la possibilité pour le préfet de police de délivrer de nouvelles licences de taxis accessibles à ces personnes dans des conditions simplifiées.

En cinquième lieu, les Jeux emportent pour nos territoires des enjeux économiques, puisqu'il faut répondre aux engagements du contrat de ville hôte qui nous lie au Comité international olympique (CIO) en matière de publicité de ses partenaires économiques lors du relais de la flamme et du compte à rebours, mais aussi à l'afflux de travailleurs, de touristes et de spectateurs dès les semaines qui précéderont les Jeux. Cela implique que l'activité commerçante soit capable de satisfaire la demande. À cette fin, il vous est proposé de permettre au préfet d'autoriser l'ouverture dominicale des commerces pendant une période allant du 1er juin au 30 septembre 2024, sous réserve de l'accord des salariés, de contreparties légales et salariales, ainsi que d'une consultation des élus locaux, des partenaires sociaux et des chambres consulaires.

En dernier lieu, afin de conserver nos meilleurs talents jusqu'aux Jeux, il nous est apparu indispensable de permettre aux équipes engagées dans cette aventure depuis de nombreuses années de rester mobilisées jusqu'à la fin de l'événement, en prévoyant une mesure relative à la limite d'âge des fonctionnaires directement engagés dans l'organisation des Jeux, et une autre concernant l'avenir de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo).

Tous ces objectifs ont été largement partagés par les sénateurs, qui ont également enrichi notre texte, en particulier avec trois ajouts significatifs.

Premièrement, la pérennisation du dispositif antidopage prévu à l'article 4 constitue une indéniable avancée, en ce qu'elle débarrasse le texte gouvernemental de l'ambiguïté que lui conférait le processus par étapes. L'expérimentation n'est pas la meilleure voie pour se mettre en conformité avec le code mondial antidopage. Il est bien plus clair d'adopter une fois pour toutes ces exigences internationales, qui ont été précédemment appliquées pour les Jeux de Tokyo et de Pékin. Le dispositif comportera quatorze garanties de procédure et de fond, et sa mise en œuvre fera l'objet d'une évaluation au plus tard le 31 décembre 2024. Il permettra d'assurer le nécessaire équilibre entre intégrité sportive et respect des droits et libertés de nos athlètes.

Le nouvel article 4 bis, quant à lui, comble le vide juridique qui était préjudiciable à l'échange d'informations entre l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et son partenaire Tracfin, chargé de lutter contre le trafic de substances interdites.

Deuxièmement, le Sénat a renforcé les garanties prévues à l'article 7 relatif au traitement algorithmique des images, avec une information spécifique du public, la formation des agents ayant accès aux images, l'assurance explicite d'un contrôle humain du dispositif et de la supervision du développement de ces traitements par la Cnil.

Troisièmement, en matière de lutte contre les violences dans les stades, alors que le projet de loi se concentrait presque exclusivement sur la dimension pénale, le Sénat a proposé de lui adjoindre un volet préventif, qui prend la forme d'une obligation de billetterie nominative, dématérialisée et infalsifiable pour les événements sportifs de grande jauge, remédiant ainsi à l'une des difficultés rencontrées lors de la finale de la Ligue des champions.

Dans le cadre du dialogue régulier que j'entretiens avec les représentants des supporters, par l'intermédiaire notamment de l'Instance nationale du supportérisme, je continue de veiller au bon équilibre entre, d'une part, l'impératif de sécurité attaché à ces rencontres et le maintien de toutes les conditions rendant possible cette fête populaire, à laquelle nous sommes attachés, et, d'autre part, l'expression de la passion dans les stades, y compris en famille et en présence de jeunes enfants.

Nous souhaitons conserver un texte traitant de l'essentiel, court et dense, afin d'en assurer la rapidité d'application. Le compte à rebours est implacable ; nous sommes à moins de dix-huit mois des JOP. Si ce projet de loi est adopté par le Parlement, nous veillerons à prendre les textes d'application nécessaires dans les semaines suivant la promulgation de la loi.

Contrairement à celles que j'ai citées, certaines modifications introduites au Sénat semblent aller à rebours de l'objectif d'efficacité juridique du texte. Ainsi, la notion de circonstance aggravante générale, prévue à l'article 12 bis, pose selon nous une évidente question de justesse de la proportionnalité. D'autres changements soulèvent des interrogations : l'article 5, au regard de l'article 74 de notre Constitution, pourrait ne plus entièrement assurer la pleine application en Polynésie française des sanctions pénales en matière de dopage ; à l'article 17, il conviendra probablement de rétablir la clarté opérationnelle de la procédure des autorisations collectives d'ouverture dominicale des commerces ; l'article 18 relatif à l'accessibilité des taxis doit couvrir spécifiquement la problématique des personnes utilisatrices d'un fauteuil roulant.

Le bon déroulement de l'événement engage la nation tout entière ; le monde entier aura les yeux braqués sur nous. Je souhaite vous exprimer ma confiance dans notre capacité collective à relever ce défi et sollicite votre soutien pour ce texte, qui nous permettra d'avancer plus vite et plus fort dans la préparation des Jeux olympiques et paralympiques.

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