Les nombreuses questions posées illustrent la place importante que nous accordons au lycée professionnel, dont nous voulons faire une voie de réussite pour les jeunes. En France, cette filière concerne un tiers des lycéens : il y a donc là un enjeu stratégique en termes d'éducation, de cohésion sociale et de développement des compétences pour la bonne santé économique et la croissance du pays.
Monsieur Fait, vous avez rappelé notre engagement de faire du lycée professionnel un vrai parcours de réussite, reconnu par la société et permettant de lutter contre le déterminisme social trop souvent constaté dans ces établissements où l'indice de position sociale est beaucoup plus faible qu'ailleurs. Il nous faut accompagner ces jeunes, dans le cadre d'une approche systémique, pour accroître leurs chances de réussite dans leur parcours personnel et professionnel. Il y a là un enjeu d'égalité des chances et de respect de la promesse républicaine.
Vous m'avez interrogée plus spécifiquement sur l'ouverture culturelle et sportive que nous pouvons offrir à ces jeunes. Dans le cadre du Conseil national de la refondation mis en place par le Président de la République, de nombreux lycées professionnels ont justement développé des projets dans ce domaine. Des proviseurs, des équipes pédagogiques, des élèves et parents d'élèves y ont participé, sur la base du volontariat, afin de permettre et d'accompagner la réussite de tous, de réduire certaines inégalités que j'évoquais à l'instant et de concourir au bien-être de chacun. On voit à quel point le sport, par les valeurs qu'il véhicule, est facteur d'émancipation, développe les compétences et l'estime de soi et contribue en ce sens à la construction de parcours professionnels. Il est donc très intéressant de multiplier les approches culturelles et sportives offertes aux élèves des lycées professionnels, et plus généralement à tous les jeunes. Les nombreux projets locaux qui nous ont été signalés seront étudiés dans le cadre des groupes de travail, lesquels ont aussi abordé la question des options culturelles qui pourraient éventuellement être proposées aux jeunes de ces établissements.
Monsieur Chudeau, vous vous êtes montré critique s'agissant de la méthode suivie, des 200 propositions et des 160 acteurs ayant participé aux groupes de travail. Ces acteurs, ce sont les recteurs, les proviseurs, les enseignants, les parents, les élèves, les membres des chambres consulaires… Vous les rencontrez tous les jours dans vos circonscriptions, dans les lycées professionnels, vous avez l'habitude de travailler avec eux, notamment pour construire les cartes de formations, et nous reconnaissons tous leur compétence. Les groupes de travail ont constitué une occasion assez inédite de confronter leurs points de vue et de mieux comprendre les positions et attentes des uns et des autres.
Les 160 acteurs ayant participé à ces réflexions, parmi lesquels figuraient des partenaires sociaux, des organisations patronales et syndicales, nous ont en quelque sorte bousculés ; ils ont favorisé l'émulation et formulé un maximum de propositions visant à intégrer tous les possibles. C'était le but. Ces 200 propositions sont vraiment le fruit de notre volonté de faire émerger un maximum d'initiatives, de faire remonter les nombreuses expériences de terrain, de confronter différents points de vue pour favoriser l'approche que vous nous invitez à adopter – celle qui consiste à renforcer les savoirs fondamentaux, à consolider le lien entre l'école et l'entreprise et à faire en sorte que le lycée professionnel soit reconnu par l'ensemble du tissu économique comme un acteur phare du développement des compétences professionnelles, qui délivre un véritable diplôme d'insertion professionnelle. Il nous revient maintenant d'arbitrer entre ces différentes propositions, qui ne sont pas les miennes mais bien celles des groupes de travail.
En effet, il est absolument nécessaire de travailler sur la question de l'orientation. Les enseignants doivent pouvoir accompagner les élèves et leur permettre de progresser dans le domaine des savoirs fondamentaux, où ils réussissent moins bien que les autres en raison des difficultés qu'ils avaient déjà avant d'intégrer un lycée professionnel – et qui ont d'ailleurs souvent justifié cette orientation. C'est de la résolution de ces difficultés scolaires que dépend, au fond, tout le parcours personnel et professionnel des élèves. Il est essentiel que les jeunes qui sortent du lycée professionnel disposent d'un bagage scolaire suffisant. Nous devons lutter résolument contre l'illettrisme et consolider leur apprentissage des savoirs fondamentaux : ce sera l'un des axes que nous suivrons dans le cadre de cette réforme.
Monsieur Vannier, vous nous avez appelés à un débat démocratique. Je crois avoir déjà beaucoup discuté avec vous, à votre invitation, lors du débat du 9 janvier dernier. C'est ce que je fais une nouvelle fois aujourd'hui et ce que nous aurons, je l'espère, encore l'occasion de faire à l'avenir. Je vous répète encore une fois que nous préserverons les moyens accordés à la voie professionnelle, que les effectifs seront maintenus à la rentrée prochaine. Je ne sais comment vous le dire pour que vous y croyiez. Nous ne renonçons pas au service public : la réforme du lycée professionnel est au contraire l'occasion de le renforcer, de défendre cette filière comme une voie de réussite et de lui octroyer des moyens inédits. Nous avons tous rappelé ici que ces jeunes sont plus fragiles et que leur réussite nécessite l'engagement de toute la nation. Le lycée professionnel restera bien sûr dans le giron de l'Éducation nationale, qui continuera de délivrer les diplômes. Les moyens supplémentaires bénéficieront aux enseignants, qui sont les premiers à s'investir au quotidien pour la réussite des élèves. Les investissements nécessaires ne seront pas forcément les mêmes d'un lycée à l'autre ; ils dépendront du type de difficultés rencontrées par les établissements, car il est important d'apporter des réponses ciblées et adaptées. Nous pouvons d'ailleurs aussi nous appuyer sur l'expertise des lycées afin de mobiliser les moyens adéquats.
Monsieur Portier, vous avez souligné que l'allongement des périodes de stage et de formation en milieu professionnel ne faisait pas consensus au sein des groupes de travail. Bien que cette expérience soit évidemment un bon moyen de conforter un projet professionnel, d'acquérir une expérience, de valoriser des compétences et de se constituer un réseau, la jeunesse et la fragilité des élèves concernés requièrent peut-être une meilleure préparation. Les groupes de travail ont fait valoir la nécessité d'un renforcement des savoirs fondamentaux, ainsi que d'une meilleure préparation à la recherche de stage et aux comportements attendus en milieu professionnel.
Si nous voulons faire du lycée professionnel une voie de réussite, il faut que les jeunes qui en sortent s'insèrent dans le monde du travail ou réussissent des études – je vous rejoins sur ce point. Or, aujourd'hui, 65 % des élèves souhaitent poursuivre des études, 35 % s'engagent effectivement dans cette voie mais 10 % seulement réussissent. On retrouve ces jeunes en BTS, où des places leur sont réservées, mais moins de la moitié d'entre eux obtiennent leur diplôme – certains décrochent même au cours du cursus. Or réussir dans la voie professionnelle, c'est aussi pouvoir entreprendre et réussir des études supérieures. Les élèves doivent y être mieux préparés. La lutte contre le décrochage passe notamment par le renforcement des enseignements fondamentaux, qui est absolument nécessaire, ainsi que par une meilleure préparation de l'orientation, qui mérite d'être mieux éclairée et véritablement choisie – une orientation subie est facteur de démotivation. Avec Pap Ndiaye, nous travaillons à l'organisation d'une découverte des métiers au collège, non pour orienter les élèves dès la cinquième, la quatrième ou la troisième, mais pour leur apporter toute l'information nécessaire à une orientation éclairée. Un autre enjeu d'ailleurs est la transparence des données sur l'insertion professionnelle et la réussite des études, qui ne sont pas encore suffisamment accessibles aux élèves et à leurs familles.
Monsieur Croizier, vous avez insisté sur la nécessité d'allouer des moyens à la voie professionnelle. C'est en effet un enjeu majeur, d'autant qu'un tiers des lycéens passent par cette filière. Près de 5 milliards d'euros sont consacrés à la rémunération des enseignants et aux dépenses engagées au titre de l'enseignement professionnel. Notre réforme a pour ambition de rendre la voie professionnelle aussi digne que les autres formations, d'en faire une filière réellement choisie par les élèves, où le niveau de réussite est au moins équivalent à celui des autres voies. Il s'agit d'un véritable enjeu d'égalité des chances. Notre action passera par une intensification de l'accompagnement proposé aux élèves, avec les moyens correspondants, par une meilleure formation des enseignants, des cadres, des proviseurs et des inspecteurs, et par des investissements dans des plateaux techniques et dans des formations d'avenir plus adaptées aux besoins de la nation et à la préparation des enjeux stratégiques. Nous devons faire des lycées professionnels des acteurs stratégiques prêts à relever les futurs défis économiques. Nous poursuivrons cet investissement au travers de la gratification des élèves lors des périodes de stage : c'est une reconnaissance que nous devons à ces jeunes et une exigence pour les entreprises, qui se doivent d'offrir aux élèves un accueil et une formation de qualité.
Madame Keloua Hachi, vous m'avez interrogée sur le sens de la double tutelle de mon portefeuille ministériel. Étant chargée non seulement des lycées professionnels, mais également de l'apprentissage et de la formation professionnelle, je trouve cette double tutelle assez légitime : il y a une continuité entre la formation initiale et la formation continue, entre la formation scolaire et la formation en apprentissage. Du fait de la transformation de la voie professionnelle souhaitée par Jean-Michel Blanquer, l'apprentissage a d'ailleurs pris une place croissante au sein des lycées professionnels, puisque plus de 60 000 apprentis y sont aujourd'hui inscrits, ce qui constitue une forte augmentation. Nous devons accompagner toutes les voies de réussite. De même, l'Éducation nationale a fait beaucoup pour lutter contre le décrochage et a consacré un budget et des moyens importants à cet objectif, dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences par exemple. Il n'est donc pas opportun d'opposer les uns aux autres : mieux vaut travailler tous ensemble sur ces sujets puisque nous avons tous le même objectif, celui d'éduquer notre jeunesse et de lui permettre de réussir sur les plans personnel et professionnel.
Monsieur Patrier-Leitus, la question de la carte des formations est absolument essentielle. Les taux de réussite et d'insertion professionnelle varient considérablement selon les diplômes, allant de 20 % à plus de 80 %. Ces disparités dépassent le clivage entre zones urbaines et rurales : ainsi, le diplôme de transport routier de marchandises peut être passé dans ces deux types de territoires avec des taux de réussite excellents. Notre devoir collectif est de veiller à l'adéquation entre la carte des formations et la capacité de notre jeunesse à s'insérer professionnellement et à poursuivre des études. Cette carte doit évoluer avec la société. Or elle n'est modifiée qu'à hauteur de 1 % par an : c'est dire à quel point elle n'est plus en adéquation avec l'évolution des métiers ! Cette lenteur peut s'expliquer par le coût des investissements dans les plateaux techniques et les délais de préparation de ces derniers, par la difficulté d'adapter l'offre d'enseignement, ainsi que par le manque d'indicateurs de pilotage. Nous sommes en train de construire ce dernier outil afin d'adapter la carte des formations aux réalités économiques nationales comme territoriales et à l'offre de formation dans les territoires. Il s'agit d'un exercice très délicat. Quant aux financements, ils sont assurés dans le cadre du programme France 2030, par lequel l'État investit au côté des régions dans ce domaine.
Monsieur Raux, vous m'avez interrogée sur la concurrence entre l'apprentissage et le lycée professionnel. Je pense au contraire qu'ils sont complémentaires. Les élèves étant plus jeunes qu'auparavant, tous ne sont pas prêts pour l'apprentissage : ils peuvent manquer de maturité ou de maîtrise des savoirs fondamentaux. Le choix entre ces deux voies de formation dépend des aspirations, des besoins, mais aussi des difficultés de chaque jeune. Si je n'ai jamais été favorable au « tout-apprentissage », le « sans apprentissage » n'est pas une option non plus. Actuellement, 60 000 apprentis suivent leur formation en lycée professionnel et c'est un apport positif. Les deux voies sont différentes – le temps passé en entreprise n'est pas du tout le même, l'employeur change à chaque stage en lycée professionnel – mais une passerelle entre elles reste possible. En 2018, le Gouvernement avait lancé une campagne pour l'apprentissage ; elle est réussie et nous souhaitons désormais mener avec tout autant de succès la bataille de l'image du lycée professionnel.
Monsieur Peu, nous sommes tous conscients de la nécessité de mettre le lycée professionnel au cœur de nos discussions et d'en faire un tremplin pour la réussite des jeunes. Je le redis, ils resteront dans le giron de l'Éducation nationale. La voie qu'ils ont choisie doit tenir ses promesses en leur permettant soit de s'insérer professionnellement, soit de poursuivre leurs études. La réforme doit s'assurer qu'ils soient éduqués, notamment s'agissant des savoirs fondamentaux, mais respecter aussi leur engagement sur la voie professionnelle. Les indicateurs qui ont été définis – lutte contre le décrochage, taux d'insertion, taux de poursuite d'études – sont autant de boussoles visant à faire de la voie professionnelle une voie de réussite qui réponde à la promesse républicaine.
Monsieur Lenormand, les enjeux d'éducation sont effectivement essentiels. Les jeunes doivent maîtriser les savoirs fondamentaux et acquérir une culture générale qui leur permette d'accéder à la pleine citoyenneté et à une émancipation personnelle. Les groupes de travail, quel que soit leur domaine, ont tous beaucoup travaillé sur la question du niveau scolaire et sur la nécessité de faire entrer la culture dans les lycées professionnels. Les jeunes doivent pouvoir se confronter à la réalité professionnelle, être accompagnés et formés dans leur futur environnement : un temps supplémentaire, pouvant aller jusqu'à une année entière, leur est parfois nécessaire.
La réforme de 2008 avait généralisé le baccalauréat professionnel en trois ans, afin de revaloriser son image auprès des jeunes et de leurs familles en égalisant le temps de préparation avec celui du baccalauréat général. Sans revenir à un cursus en quatre ans, l'objectif est de renforcer l'employabilité ou la poursuite d'études. Un accompagnement renforcé et un temps complémentaire sont parfois nécessaires. Comme cela se fait déjà dans certains territoires, les rectorats seront invités, dès la rentrée 2023, à favoriser le développement de ces temps de parcours supplémentaires après le bac ou le CAP (certificat d'aptitude professionnelle), permettant de renforcer l'expérience professionnelle ou les savoirs : l'enjeu n'est pas seulement celui de la poursuite d'études, mais aussi de leur réussite.