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Intervention de Carole Grandjean

Réunion du mardi 28 février 2023 à 17h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du Travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels :

Je suis honorée d'évoquer devant vous la réforme du lycée professionnel qui est en cours de construction. J'ai réalisé un premier point d'étape le 9 janvier dernier, dans le cadre d'un débat inscrit à l'ordre du jour à la demande du groupe GDR-NUPES. Je me réjouis d'entendre l'avis des membres de cette commission et de recueillir vos contributions : ayant moi-même été élue en 2017 puis en 2022, je suis très attachée à la place du Parlement et il m'importe de vous informer pleinement sur la première séquence de la réforme et sur la manière dont nous planifions la suite.

L'ambition de cette réforme est d'assurer la réussite éducative et la bonne insertion professionnelle des élèves. Cette ambition commune avec le ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse Pap Ndiaye est guidée par la double exigence d'assurer l'égalité des chances que tous les élèves méritent dans notre République, en les aidant à mieux réussir dans leur parcours scolaire, et d'être attentif à leurs aspirations professionnelles, en leur permettant de s'orienter vers des filières offrant des débouchés. Notre réforme veut faire émerger un large éventail de leviers mobilisables par les équipes éducatives des lycées professionnels afin d'être au plus près des besoins de chaque établissement, en prenant en compte les élèves, leur famille et les acteurs économiques, sans jamais perdre de vue le caractère national des diplômes.

Tout comme moi, vous ne voulez pas d'une réforme qui ne s'ajusterait pas aux spécificités des différents établissements professionnels. Quels que soient les leviers que décideront, en toute responsabilité, d'utiliser les chefs d'établissement et les équipes éducatives, il leur appartiendra de créer les conditions pour faire diminuer le nombre de décrocheurs, améliorer le taux d'insertion professionnelle et faciliter la poursuite d'études pour les jeunes qui le souhaitent. Le véritable objectif est donc de doter les acteurs de terrain des instruments propices à cette réussite collective.

C'est un travail de terrain de grande qualité qui a été accompli, en suivant une nouvelle méthode fondée sur la participation de toutes les parties prenantes. En octobre dernier, quatre recteurs ont accepté, à la demande conjointe du ministre de l'Éducation nationale et de moi-même, d'animer les groupes de travail pour faire émerger toutes les pistes visant à améliorer la réussite des élèves. Avec de nombreux professionnels, ils ont recensé et analysé pendant plus de trois mois les initiatives existantes, ainsi que les propositions que nous devrions encourager et rendre accessibles à tous les acteurs. Ainsi, 160 participants ont débattu et identifié les pistes les plus prometteuses, susceptibles de s'adapter aux caractéristiques de leur territoire et au profil de leurs élèves.

Quatre sujets ont rencontré un écho particulier lors des réunions.

Premièrement, il n'existe pas de consensus concernant l'allongement des périodes de stage. Chacun s'accorde en revanche sur la nécessité d'une meilleure prise en compte du niveau de maturité des élèves, qui, désormais plus jeunes en raison d'un moindre recours au redoublement, passent souvent leur baccalauréat vers 18 ans.

Deuxièmement, l'idée de la gratification lors des périodes de formation en milieu professionnel est saluée par l'ensemble des acteurs : tous y voient une forme de reconnaissance, ainsi qu'une source de motivation et donc de réussite. Cette mesure entrera en vigueur à compter de la rentrée de septembre 2023.

Troisièmement, dans la mesure où les élèves arrivent plus jeunes en seconde professionnelle, il faut leur permettre d'affiner davantage leur projet de carrière et de pleinement tirer profit de leurs expériences en entreprise. Les remontées de terrain des groupes de travail invitent à réfléchir à plusieurs moyens d'y parvenir, tels qu'une période de formation complémentaire, après le diplôme, permettant à certains jeunes d'engranger de nouvelles expériences pour augmenter leurs chances d'insertion, à d'autres de préparer la poursuite d'études, et à tous de gagner en maturité. Cela permettrait d'accompagner plus longtemps ceux qui ont besoin d'un peu de temps pour grandir.

Quatrièmement, chaque établissement doit créer les conditions favorables à une meilleure relation entre l'école et l'entreprise. Nous avons pris des initiatives permettant aux établissements d'ajuster leur offre de formation aux métiers de demain, ce que concrétise l'ajustement annuel par la région et le recteur de la carte des formations professionnelles des établissements scolaires. Mais les transformations peuvent être lentes, voire inadaptées. Il nous faut donc tenir compte des spécificités de chaque territoire, non pas pour adapter en temps réel l'offre de formation aux métiers en tension au niveau local – ce n'est pas le rôle de l'école – mais pour orienter la carte des formations vers les métiers liés aux grandes transitions numérique, écologique et démographique, auxquelles notre jeunesse aspire et dont la mutation requiert des salariés compétents. Renforcer le positionnement stratégique de l'offre de formation des lycées professionnels doit faire d'eux des acteurs incontournables face aux enjeux d'avenir.

Nous souhaitons accompagner lycées professionnels dans ce domaine, qui est le gage de leur attractivité et de leur reconnaissance par l'ensemble de la société. Pour ce faire, nous avons engagé, avec le secrétaire général pour l'investissement Bruno Bonnell, un nouveau dispositif de soutien dans le cadre du plan France 2030, financé par l'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir ». Nous œuvrerons ainsi à la transformation de la carte des formations par un travail conjoint avec Régions de France et l'ensemble des régions françaises.

Ce programme a trois objectifs : l'adaptation des plateaux techniques ; l'accompagnement des équipes pédagogiques pour créer les conditions d'une évolution réussie de l'offre de formation ; l'accueil d'un nombre accru d'élèves dans les formations les plus prometteuses en matière d'emploi. Je pense que vous êtes conscients des besoins, dans vos circonscriptions, en matière de rénovation ou de création de plateaux techniques modernes qui forment aux métiers offrant les meilleures chances d'insertion. Je vous invite donc à participer à la remontée d'informations qui est organisée, afin que nous soyons au fait des spécificités de chaque bassin d'emploi.

Cependant, les changements dans ce domaine prennent du temps, puisque les projets évoqués ne seront mis en œuvre qu'à partir de la rentrée 2024. La clôture des groupes de travail le 27 janvier ouvre un nouveau cycle de concertation, qui concernera dans un premier temps les syndicats d'enseignants, puis ceux des personnels de direction, ainsi que les représentants des parents d'élèves et des élèves, des entreprises et des exécutifs régionaux. Les principales mesures de la réforme leur seront présentées et feront ensuite l'objet de débats.

L'audition de ce jour, située en amont de cette deuxième séquence, permet d'écouter les propositions que vous souhaitez mettre en avant à l'issue des groupes de travail. Ce moment délicat, entre démocratie parlementaire et dialogue social, doit avoir pour seule boussole la réussite des élèves, évaluée par des indicateurs que nous partageons tous : la réduction du nombre de décrocheurs, le taux d'insertion professionnelle et surtout l'encouragement à la poursuite d'études réussies – alors qu'on observe beaucoup trop d'échecs aujourd'hui.

Enfin, nous avons d'ores et déjà décidé, avec Pap Ndiaye, de maintenir les effectifs attribués à la voie professionnelle pour la rentrée 2023 : il n'y aura aucune diminution du nombre d'enseignants.

Pour vous répondre, madame la présidente, la réforme des lycées professionnels entrera en vigueur progressivement, puisque certaines mesures s'appliqueront dès la rentrée 2023, notamment la gratification des périodes de formation en milieu professionnel ou le démarrage de la transformation de la carte des formations. Cette réforme nécessitera la formation des professeurs et de leur encadrement, la priorité étant d'accompagner l'ensemble du personnel éducatif à chaque étape. La mise en place dès cette rentrée des temps de découverte des métiers pour toutes les classes de cinquième, de quatrième et de troisième ne peut être dissociée de la réforme des lycées professionnels, puisqu'elle mobilise leurs professeurs, qui pourront accueillir des classes en leur faisant découvrir les plateaux techniques et les gestes professionnels, mais aussi se rendre eux-mêmes au sein des collèges pour présenter les métiers. Nous souhaitons en effet faire en sorte que l'orientation ne soit plus subie, mais choisie.

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