Intervention de Jean-Marie Collin

Réunion du mercredi 18 janvier 2023 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Marie Collin, porte-parole d'ICAN France :

Notre demande n'est pas empreinte de radicalité. Nous demandons le désarmement nucléaire, qui est une obligation, depuis des dizaines d'années.

Le réarmement n'existe pas uniquement depuis le conflit en Ukraine. Il existe depuis plus d'une dizaine d'années. Le conflit en Ukraine a simplement permis de faire émerger davantage l'augmentation des dépenses d'armement à travers le monde et la volonté de conserver les arsenaux nucléaires.

Plus de 2 000 milliards de dollars ont été dépensés l'année dernière en matière de ventes d'armes. Les armes nucléaires intègrent ce montant record. En France, les crédits sur la dissuasion nucléaire sont en augmentation constante depuis 2012-2013. La dangerosité est donc accrue.

Par ailleurs, le TNP est bien un traité vivant. Le TNP et le TIAN sont des traités qui se complètent et qui s'appuient l'un sur l'autre pour faire avancer les questions de non-prolifération et de désarmement nucléaire. Le TIAN permet également d'avancer sur le droit à l'énergie nucléaire à des fins pacifiques.

Le document final du TNP date de 2010, puisque les deux dernières conférences ont été des échecs, en 2015 et 2022. Dans ce document final de 2010, la France s'est volontairement engagée, tout comme les autres puissances nucléaires, à faire en sorte que la dissuasion nucléaire ne soit plus la centralité de sa politique de défense, à participer à des actions de désarmement, et à réduire les dépenses liées à sa politique de dissuasion nucléaire. Or, la France ne respecte pas ces différentes mesures, puisque nous ne sommes pas du tout dans cet esprit.

De son côté, la Finlande ne souhaite pas changer sa politique vis-à-vis des armes nucléaires. Ce pays sera membre de l'OTAN, mais n'accueillera pas sur son territoire d'armes nucléaires, ce qui ne pourrait que renforcer la crise et les tensions avec la Russie. Cinq états disposent déjà d'armes nucléaires de l'OTAN sur leur territoire. À ce titre, ces armes seront remplacées dans les prochaines semaines par de nouveaux systèmes.

La probabilité de faire une guerre conventionnelle après une guerre nucléaire est quasiment nulle. Le désarmement nucléaire ne signifie malheureusement pas pour autant la paix mondiale. Il y aura probablement toujours des guerres. Néanmoins, le monde se sentirait plus en sécurité sans ces armes nucléaires, et les éventuelles guerres ne seraient que conventionnelles, laissant la possibilité de construire un futur.

Par ailleurs, je suis désolé d'avoir choqué certaines personnes avec mes propos, mais je ne suis pas ici pour vous faire plaisir. Je suis venu pour vous informer et pour vous donner le sentiment d'un certain nombre d'ONG.

L'avenir de la dissuasion est positif pour tous les États qui possèdent l'arme nucléaire. La Chine et la Grande-Bretagne ont annoncé l'augmentation de leurs arsenaux nucléaires. Une véritable prolifération est donc ouverte au niveau vertical et potentiellement au niveau horizontal avec les avancées de l'Iran en la matière.

La « stricte suffisance » est la même en France depuis une 15ène d'années. L'État français a-t-il l'intention d'augmenter son arsenal nucléaire dans les années à venir ? Il s'agit d'une véritable question. Est-ce que les futurs missiles stratégiques M51 pourront véritablement embarquer dix ogives nucléaires, contre six actuellement ? Des réponses positives à ces questions assombriraient l'avenir en matière de sécurité mondiale.

Le 24 janvier 2023, l'horloge de l'apocalypse pourrait malheureusement évoluer négativement. De son côté, le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) estime que la diminution des arsenaux s'arrêtera pour ré-augmenter.

La question du caractère provisoire de la dissuasion se pose. L'écrasante majorité des États de la planète ne veut pas d'arme nucléaire. Ces pays ressentent un véritable danger. Pour la France, la dissuasion serait apparemment provisoire, a minima jusqu'en 2090. Ce sujet pose un véritable problème concernant la notion de « bonne foi », inscrite dans l'article 6 du TNP. La France a été le dernier État à ratifier ce traité en août 1992, après la Chine. Cette notion de « bonne foi » est inscrite au travers de l'avis de la Cour internationale de justice comme une obligation. Or, cette obligation n'est pas réalisée actuellement, et cela pose un véritable problème sur le respect, la crédibilité et la finalité de ce traité. Si ce traité tombe, nous nous dirigerons vers une large prolifération et un accroissement de l'insécurité mondiale à laquelle nous aurons tous à faire face. Le droit est là pour nous protéger et le TIAN est né pour cette raison.

La notion de rationalité est subjective. La seule certitude que nous ayons est que chaque pays doté a le pouvoir d'utiliser l'arme nucléaire. De février 2022 à septembre 2022, des interrogations extrêmement fortes sont apparues sur la possible utilisation de l'arme nucléaire par Vladimir Poutine.

Enfin, rien ne prouve que la dissuasion nucléaire a permis d'être en paix depuis 1945. L'ambassadeur Éric Danon explique lui-même ne pas avoir de réponse à cette question. En revanche, la paix est probablement favorisée par la création d'institutions telles que l'Union européenne et l'ONU, ou encore par la mise en place d'accords commerciaux et culturels. La prolifération risque d'augmenter si nous nous mettons à croire que la bombe préserve la paix.

Le travail de notre campagne n'est pas d'apporter une alternative à la bombe atomique. En outre, couper l'électricité ou porter atteinte au droit de l'eau sont des pratiques totalement contraires au droit international humanitaire. Ce type de dissuasion serait loin d'être une bonne solution.

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