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Intervention de Laurent Panifous

Séance en hémicycle du mercredi 8 mars 2023 à 15h00
Régime juridique des actions de groupe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Panifous :

Permettre aux victimes de parler d'une seule et même voix, et rééquilibrer le rapport de force entre consommateurs et entreprises : tels sont les objectifs ambitieux fixés en 2014 par cette assemblée. Mais pour quel bilan ? Près de dix ans et seulement une trentaine d'actions de groupe dans notre pays. Près de dix ans et seulement six procédures ayant eu une issue favorable. Près de dix ans et toujours autant de consommateurs et de victimes qui se sentent parfois délaissés par notre système judiciaire ! Je ne remets pas en cause le travail qui avait été fait à l'époque, au contraire. Notre assemblée avait fait le pari risqué d'initier une petite révolution juridique en instaurant pour la première fois une action de groupe à la française. Le choix du gouvernement de l'époque était audacieux. Cependant, il arrive parfois qu'en dépit de ses objectifs louables le législateur manque sa cible. En ce sens, je tiens à saluer le travail mené par nos deux rapporteurs pour tirer les conséquences de ce bilan et rectifier le tir. Ce travail, nous le devons aux victimes qui, aujourd'hui encore, placent beaucoup d'espoirs en nos travaux.

Je ne reviendrai que brièvement sur les problèmes que pose le droit actuel. Les failles sont multiples : une procédure complexe et longue qui, selon certaines associations, s'apparente presque à un parcours du combattant ; un champ d'intervention limité à certains secteurs ; une restriction trop forte du nombre d'associations ayant la qualité pour agir. Résultat : l'action de groupe est délaissée par les associations, les consommateurs et parfois même par la justice.

Face à ce constat, la proposition de loi propose de mettre fin au trompe-l'œil procédural actuel pour instaurer une action de groupe universelle dans tous les secteurs. Notre groupe, Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, souscrit pleinement à cette vision. Si nous voulons que les victimes s'approprient cette procédure, il faut leur donner des moyens d'action pour lutter contre les pratiques abusives de certaines entreprises. Notre groupe est particulièrement attaché à une réparation intégrale du préjudice, tant physique que moral. C'est une avancée essentielle : il n'est plus question de laisser de côté les maux subis par les victimes. Nous saluons également les nombreux assouplissements procéduraux apportés par le texte, en particulier l'extension à un plus grand nombre d'associations de la qualité à agir, notamment à celles déclarées depuis au moins deux ans. Sur ce point, nous avons cependant un regret. En commission, nos rapporteurs ont fait le choix de doubler, en le portant de cinquante à cent, le nombre de personnes à réunir pour qu'une association ad hoc puisse agir en justice. Mes chers collègues, c'est une régression. Ce durcissement n'était pas même demandé par le Conseil d'État. Notre groupe vous propose donc de revenir au seuil initial de cinquante personnes, qui correspond davantage à l'esprit du texte : ouvrir l'action de groupe. Le temps des limites et des barrières juridiques est derrière nous et il n'est pas souhaitable d'en inventer de nouvelles.

L'une des autres avancées du texte tient à la création d'une véritable sanction civile pour réprimer les fautes lucratives. Nos rapporteurs n'ont pas cédé : en dépit des réserves de certains, ils ont maintenu ce dispositif, ce dont notre groupe les remercie. Il est inconcevable qu'un professionnel puisse volontairement commettre un manquement dans le seul but d'en tirer des gains illicites et sans craindre de pénalités financières ! Le dispositif que vous proposez va indéniablement dans le bon sens ; notre groupe défendra plusieurs amendements visant à le renforcer, afin de lui donner une portée réellement dissuasive.

Je terminerai par un dernier point qui nous inquiète, et j'espère que vous entendrez nos réserves. Le texte prévoit de limiter le nombre de tribunaux judiciaires compétents en matière d'actions de groupe sur le territoire national. Quels seraient les tribunaux judiciaires concernés ? Cette mesure soulève la question de l'accès physique à la justice dans les différents territoires et risque d'aggraver encore la fracture territoriale entre justiciables et juges. Ce texte n'a pas pour objectif d'éloigner les citoyens de la justice. Notre groupe souhaiterait l'inscription de garde-fous dans le texte, afin d'éviter que des consommateurs domiciliés dans des zones rurales ou dans les outre-mer ne soient lésés. C'est une question d'égalité territoriale.

En dépit de ces quelques réserves, notre groupe votera bien évidemment la proposition de loi.

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