Je me réjouis de vous présenter à la suite de Laurence Vichnievsky cette proposition de loi sur laquelle nous avons beaucoup travaillé en duo attentif, complémentaire, exigeant et transpartisan. Ce texte manifeste la valeur du travail parlementaire que nos commissions produisent abondamment et qui, trop souvent, n'est pas suffisamment exploité. Réjouissons-nous donc d'avoir passé la quinzième législature et de participer à la seizième qui nous réunit.
Dans un rapport que nous avions commis au printemps 2020 et qui est en quelque sorte l'étude d'impact du texte que nous vous présentons, nous avions fait le constat que la procédure de l'action de groupe fonctionnait mal : seules trente-deux actions de groupe ont été intentées depuis 2014. Or l'action de groupe est extrêmement utile : elle permet à des victimes ayant subi un préjudice de faible montant, ou à des victimes vulnérables, de ne pas se lancer seules dans une action en justice. Ce n'est pas rien.
Convaincus que l'amélioration de cette procédure est dans l'intérêt des justiciables, nous vous présentons une proposition de loi qui procède à plusieurs élargissements, dans le but de renforcer le droit des consommateurs, mais pas seulement. C'est plus largement l'accès au juge et donc à la justice qui est en jeu. C'est une question de société.
La Défenseure des droits s'est d'ailleurs félicitée dans son avis au Parlement des avancées prévues : elle a salué l'instauration d'un régime général de droit commun des actions de groupe, l'élargissement de la qualité à agir, l'accélération de la procédure et la réparation intégrale du préjudice, nouveautés introduites par cette proposition de loi.
Entendons-nous bien. Il ne s'agit en aucun cas de calquer ou d'importer dans notre système juridique la class action à l'américaine, avec ses dommages et intérêts punitifs et ses cabinets d'avocats qui se comportent parfois en chasseurs de primes. Notre action de groupe est bien membre de cette fratrie, mais elle n'est pas la sœur jumelle de la class action. Nous nous inscrivons dans la perspective du droit continental avec une vision plus européenne qu'anglo-saxonne, cette dernière présentant parfois des excès. Nous refusons ainsi les dommages et intérêts punitifs et nous réservons à des organismes à but non lucratif la qualité pour agir.
Il n'y a aucune méfiance à l'égard des avocats. Les avocats ont toute leur place dans l'action de groupe à la française car ils représentent tout à fait légitimement les parties. Je rappelle que le ministère de l'avocat sera obligatoire pour la plupart des actions de groupe. En revanche, ils ne peuvent pas être eux-mêmes demandeurs d'une action de groupe, financer les actions en justice ou en faire la publicité. Ce n'est après tout que le droit commun en France. Rien de scandaleux dans ce cadre.
Je veux aussi rassurer les entreprises, car nous avons entendu s'exprimer des inquiétudes. Notre objectif n'est absolument pas de les mettre en difficulté. Nous laissons à d'autres le soin de les « mettre à genoux », pour reprendre un slogan que nous avons malheureusement entendu ces derniers jours.
Non, il s'agit de rénover un dispositif qui ne fonctionne pas actuellement. Notre proposition de loi modifie la procédure mais ne change en rien le fond du droit – il faut le rappeler.
Au-delà de ces évolutions procédurales, nous avons eu à cœur de proposer des solutions au problème du financement des associations qui portent l'action de groupe. Nous vous proposerons notamment que l'État puisse prendre en charge les dépens en cas de rejet de la demande. Ces dispositions sont inspirées par la directive européenne que nous transposons ici, comme Laurence Vichnievsky l'a souligné. Les États membres doivent instaurer des mécanismes de prise en charge des frais de procédure, ou du moins tenter de réduire les frais de procédure pour les organismes chargés d'introduire des actions de groupe. C'est ce que nous faisons dans cette proposition de loi. Nous vous proposerons sur ce sujet quelques amendements complémentaires, notamment un qui tient compte d'une recommandation de la Défenseure des droits. Nous proposerons ainsi que les astreintes prononcées par le juge puissent être allouées au demandeur et non pas au Trésor public. Cela va dans le sens du renforcement des associations qui portent les actions de groupe, qui sont parfois en difficulté, il faut le reconnaître. Toujours sur ce sujet de l'aide au financement de la procédure, nous proposerons également de préciser les conditions dans lesquelles les dépens peuvent être mis à la charge de l'État.
D'autres amendements que nous déposons sont issus de nos échanges avec le Gouvernement. Je tiens à préciser que quelques points sont encore en débat mais je remercie très sincèrement, à mon tour, les services de Bercy et des autres ministères pour leur disponibilité et nos échanges fructueux. Quelques divergences, quelques points d'accroche subsistent, comme nous le verrons. Mais retenons l'essentiel : pour le principal, nous sommes sur la même longueur d'onde.
Nous gardons notre cadre unifié. C'est l'apport majeur à nos yeux de ce texte. Nous avons néanmoins conscience qu'à la marge, il est sans doute nécessaire d'introduire quelques spécificités. Nous vous proposerons d'insérer dans la proposition de loi un chapitre comprenant quelques dispositions spécifiques limitées en matière de réparation du préjudice corporel. De même, l'un de nos amendements vise à sécuriser l'action récursoire de la sécurité sociale.