…nous y reviendrons. Une telle utilisation provoque des comportements addictifs pour tous, des difficultés d'acquisition du langage chez les plus jeunes, des troubles du sommeil ou des troubles de la vision chez certains. Le deuxième risque concerne l'accès à des contenus légaux mais inadaptés à l'âge, parce que perturbants ou violents : ils portent atteinte à l'équilibre affectif, au développement ou à la santé physique et mentale des enfants.
Le troisième risque est lié à délinquance dont les mineurs sont souvent victimes par l'intermédiaire du numérique : cyberharcèlement, revenge porn ou pornodivulgation, grooming ou pédopiégeage, discrimination notamment. La pédocriminalité en ligne constitue un problème particulier. Le quatrième risque est relatif au détournement de l'image des enfants et plus largement de leurs données : 50 % des images retrouvées lors d'enquêtes pénales en matière de pédocriminalité sont des images détournées. Le cinquième risque est plus large : le quotidien des enfants et des jeunes est perturbé par le numérique, dans les familles et dans le cadre des relations sociales et affectives.
Dans la révolution que provoquent les usages numériques et les réseaux sociaux, il faut accompagner les parents et les réinvestir de leur responsabilité, en créant des outils pratiques pour les soutenir au quotidien. C'est le rôle des pouvoirs publics, du Gouvernement en particulier. Si la présente proposition de loi est adoptée, ce rôle de prévention sera déployé dans tous les aspects nécessaires, bien au-delà de la politique en vigueur, qui est bonne mais insuffisante et constituée de mesures trop éparpillées.
Tout d'abord, une politique de prévention doit être adossée à des savoirs précis et continûment mis à jour. Je l'ai souligné, seuls des esprits mal informés, ou de mauvaise foi, prétendent encore que nous ne savons rien des risques du numérique pour nos enfants. Mais, par essence, le savoir doit toujours évoluer, d'autant que la révolution numérique est récente et n'a pas encore donné ses pleins effets. En ce sens, madame la rapporteure, votre proposition de confier à l'État le soin de veiller au développement d'outils de mesure dans les lieux d'accueil des jeunes enfants est tout à fait intéressante. De plus, l'amendement déposé par M. Cyrille Isaac-Sibille et adopté en commission, qui vise à prévoir que l'Agence nationale de santé publique (ANSP) apportera son soutien, donnera à cette évolution sa pleine ampleur et toute sa légitimité.
Ensuite, une politique de prévention doit être facilement accessible. Seuls 12 % des parents se déclarent sereins quant à la consommation d'écran de leurs enfants, et plus de la moitié ignorent complètement leur vie en ligne. Aussi avons-nous lancé, en février, une campagne nationale de sensibilisation à la parentalité numérique, afin de redonner confiance aux parents pour remplir leur rôle et de rappeler cette règle simple : vous apprenez à vos enfants à nager, apprenez à vos enfants à surfer sur le net. Cette campagne renvoie vers le site jeprotegemonenfant.gouv.fr, que le Gouvernement a créé il y a deux ans, avec l'aide de nombreux partenaires. Votre proposition de créer une plateforme numérique permettra de consolider et de pérenniser cette initiative.
Le même souci d'accessibilité me conduit à approuver le projet d'introduire des messages de prévention dans le carnet de grossesse, selon une logique cohérente avec la politique des 1 000 premiers jours, déployée lors du dernier quinquennat.
Par ailleurs, une politique de prévention doit pouvoir s'appuyer sur des relais fiables et reconnus. Le savoir est toujours mieux acquis lorsqu'il est transmis, directement et personnellement, en étant adapté à son destinataire. Une plateforme numérique est précieuse : elle offre des détails à ceux qui veulent aller plus loin. Cependant, elle n'est pas accessible et compréhensible par tous. Et jamais, jamais, elle ne remplacera le conseil de l'infirmière de PMI ou du professeur des écoles, à la fin d'un rendez-vous ou pendant une sortie scolaire. C'est tout l'intérêt de votre proposition de former tous les professionnels – de la santé, du médico-social, de l'éducation nationale et de la petite enfance – aux risques que l'exposition aux écrans peut faire courir aux enfants de moins de 6 ans.
Une politique de prévention doit aussi responsabiliser les acteurs du numérique. Encadrement du travail des enfants influenceurs ; contrôle parental par défaut ; lancement du Laboratoire pour la protection de l'enfance en ligne par le Président de la République : sous l'impulsion de ce dernier et avec les solides contributions de votre assemblée, la France est devenue pionnière en matière de protection de l'enfance en ligne, en restant fidèle à ses valeurs, donc en conjuguant les vertus de la régulation et celles de la liberté d'entreprendre. Nous en sommes convaincus, les acteurs du numérique ont un rôle primordial à jouer dans cette entreprise, que ce soit pour contrôler l'accès des mineurs aux réseaux sociaux et à certains sites, pour réguler les contenus ou pour définir certains algorithmes.
Grâce à votre proposition d'inscrire des messages d'information sur les emballages ou dans les publicités, vous suivez également cette voie. Nous y reviendrons durant la discussion des articles : les échanges ont permis d'atteindre un point d'équilibre. L'essentiel est que les parties prenantes soient associées. Les pouvoirs publics doivent assumer leurs responsabilités. Toutefois, dans ces domaines qui sont au cœur de la vie quotidienne des Français et de l'activité économique, nous savons tous qu'avancer sans les experts, les associations ou les entreprises pourrait conduire à l'échec. Une politique de prévention doit pouvoir être déclinée dans tous les lieux qui accueillent des enfants. Le Gouvernement mène déjà une politique active dans les collèges et les lycées. En novembre, lors du premier comité interministériel à l'enfance, nous avons annoncé la généralisation de l'évaluation et de la certification Pix des compétences numériques et du passeport internet. C'est bien, mais insuffisant, j'en ai conscience, au regard de la précocité des risques pour nos enfants. Beaucoup, nous le savons, se joue dès la toute petite enfance.
Madame la rapporteure, votre texte vise à sensibiliser davantage, et plus tôt, enfants et parents : dans les services de protection maternelle et infantile, dans les établissements scolaires – primaires et écoles maternelles –, ainsi que dans les centres aérés et pendant les activités périscolaires. C'est une excellente solution, et vous pourrez compter sur ma détermination pour suivre l'application de ces nouvelles dispositions.
Avec votre proposition de loi relative à la prévention des risques liés aux écrans, nous achevons les discussions sur la protection des enfants en ligne. Elle vient compléter les deux autres textes, respectivement présentés par M. Laurent Marcangeli et Bruno Studer, que vos collègues députés ont choisi d'adopter. L'ensemble constitue un arsenal juridique qui complétera les dispositifs de protection de l'enfance en ligne. Ce texte est essentiel pour mobiliser la société et la sensibiliser aux dangers que les écrans représentent pour nos enfants, dans le cas d'un usage excessif et déraisonné. Il s'agit d'une étape importante et nous devons nous engager à la franchir. Mais nous ne bornerons pas là nos ambitions en faveur de la protection des enfants : le travail doit continuer, à tous les niveaux, en faisant participer tous les acteurs, en commençant par les familles elles-mêmes, premières concernées et responsables.
Je l'ai dit et je le répète, les écrans peuvent devenir la chance, mais aussi le mal du siècle. Il est nécessaire que les députés s'emparent de ce sujet pour appuyer l'action du Gouvernement. Pour l'intérêt supérieur de nos enfants, je vous en remercie.