Nous avons apprécié le clin d'œil, cher monsieur : effectivement, nous sommes d'irréductibles Gaulois.
Les géants du numérique le savent bien, les Gaulois sont capables de tout : la loi « informatique et libertés » date de 1978 ; la loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, de 2020 ; la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui renforce le contrôle effectif de l'âge pour l'accès aux sites pornographiques, de 2020 également ; la loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, de 2022. Oui, les Gaulois font peur aux grands du numérique. Ils leur font peur parce que, face à l'Empire, ils ne se résignent pas ; parce qu'à des opérateurs surpuissants, ils opposent leur arme favorite : le droit ; parce qu'à la foi béate dans les vertus du numérique – qui n'est souvent que le paravent d'un appétit commercial sans limites –, les lois votées opposent des obligations qui représentent un coût important pour les multinationales – nous le savons, et nous l'assumons. Surtout, nous leur faisons peur parce que, souvent mis au pilori à cause de notre isolement et de notre passéisme, nous finissons pourtant toujours par nouer des alliances et montrer la voie. Je l'ai dit à mon hôte amateur de Gaulois : la loi « informatique et libertés » de 1978 est devenue le règlement général sur la protection des données (RGPD) de 2016, qui irrigue maintenant les législations bien au-delà de l'Union européenne.
Tous les opérateurs le savent : nous ferons valoir partout notre volonté de réguler le numérique et de protéger nos enfants, en Europe évidemment, et au-delà s'il le faut. Nous le ferons d'autant plus facilement que nos alliés sont désormais au cœur de l'empire, aux États-Unis, et même dans le saint des saints des nouvelles technologies, la Californie. Dans son discours sur l'État de l'Union de 2023, le président des États-Unis a appelé à renforcer la législation relative à la protection de l'enfance en ligne, en demandant aux plateformes de « rendre des comptes sur les expériences qu'ils mènent sur les enfants à des fins lucratives », ajoutant qu'il était temps « d'adopter une législation […] tendant à empêcher la Big Tech de collecter les données personnelles des enfants et des adolescents en ligne, à interdire la publicité ciblant les enfants ». Dans la loi de finances pour 2023, le Congrès des États-Unis a adopté le Children and Media Research Advancement Act qui instaure un programme de recherche sur les effets de la technologie et des médias sur les nourrissons, les enfants et les adolescents, dans le domaine du développement cognitif, physique et socio-émotionnel en particulier. Plus révélateur encore, la Californie a adopté en 2022 le California Age-Appropriate Design Code, qui prévoit pour les opérateurs de nombreuses obligations, dont une étude d'impact approfondie concernant les effets potentiels sur les mineurs.
Un enfant a besoin de sécurité, de stabilité et de sérénité. Il a besoin de communiquer, de jouer, de toucher, d'observer, de sentir et, comme je l'ai déjà dit, de s'ennuyer. Surtout, un enfant a besoin d'être protégé. J'espère vous avoir convaincus qu'il s'agit là d'une vérité universelle. Le Président de la République en a fait une priorité. C'est pourquoi, depuis leur prise de fonction, tous les membres du Gouvernement concernés – Jean-Noël Barrot, Pap Ndiaye, Jean-Christophe Combe, Gérald Darmanin, François Braun, Éric Dupond-Moretti et moi-même – sommes à l'œuvre pour restreindre au maximum les risques que représentent les écrans et internet pour nos enfants, avec l'ensemble des parlementaires, notamment la délégation aux droits de l'enfant – que je salue –, les acteurs du numérique et les associations.
Par la présente proposition de loi, madame la rapporteure, vous souhaitez nous donner des outils nouveaux pour agir, avec un fil rouge : former et informer les professionnels, les parents et tous les adultes qui entourent les enfants. Votre objectif est de créer une politique publique de prévention des risques liés aux écrans numériques, en particulier pour les enfants de moins de 6 ans. Bien des parents, si ce n'est tous, sont inquiets, sans trop savoir de quoi. L'inquiétude est diffuse, mais elle n'est pas encore assez objective. Les messages sont souvent contradictoires, parce que le sujet peut être compliqué, parce que beaucoup d'acteurs ont intérêt à nuancer, voire à falsifier, les informations, parce que la révolution numérique est récente et encore en marche, parce que le recul peut manquer pour évaluer certaines de ses conséquences.
Pourtant, les choses sont assez simples. Le numérique offre à nos enfants des potentialités magnifiques, si et seulement si nous, adultes, prenons la mesure des excès possibles et des risques afférents, et que nous accompagnons son utilisation. En dehors de cet hémicycle, certains disent que rien ne prouve l'incidence funeste d'une exposition excessive aux écrans. C'est faux, vous l'avez souligné. Des scientifiques à l'étranger et de nombreux pédiatres en France nous mettent en garde : les risques sont réels et des parents toujours plus nombreux demandent de l'aide.
Évidemment, comme je vous le disais déjà jeudi dernier, l'essentiel aujourd'hui, dans votre assemblée, n'est pas de savoir s'il faut retirer un écran à son enfant au bout de dix-sept ou de cinquante-trois minutes. L'ampleur des risques peut se discuter, mais leur réalité est connue. On en dénombre cinq, qui sont au cœur de ma feuille de route pour la protection de l'enfance en ligne.
Le premier concerne l'utilisation excessive des écrans, dès le plus jeune âge. J'insiste sur le terme « excessive » car je sais qu'il fait débat au sein de votre assemblée :…